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criant : Allons de l’avant, groupons-nous, marchons ! » Le Congrès de la salle d’Arras se composa de 105 délégués de la province et de 255 délégués de Paris. Optimiste, j’écrivis (Bulletin du 8 octobre) : « Ce que peuvent penser et dire les meneurs actuels nous préoccupe médiocrement : ils seront bientôt dépassés, et nous verrons les ouvriers parisiens, à mesure que la situation se dessinera mieux, marcher de l’avant avec les événements. En tout cas, le réveil qui se produit en France est des plus réjouissants. Qui l’eût osé espérer, que cinq ans après l’écrasement de la Commune les prolétaires de France auraient déjà relevé la tête au point d’aller s’affirmer en un Congrès à Paris ? C’est là un fait énorme. Le temps fera le reste. » Dans les séances, parfois tumultueuses, de ces « assises du travail », — comme disaient avec emphase les orateurs, — on vit paraître à la tribune les citoyens Gaillon, Dupire, Auguste Desmoulins, Barberet, Bolâtre, Chabert, le positiviste Finance, etc. : ils prononcèrent des harangues sonores et vides, que le Bulletin du 15 octobre apprécia ainsi : « Quand on se dit qu’il y a eu des Congrès de l’Internationale, dont les débats ont retenti dans le monde entier, et où toutes les questions sociales ont été étudiées ; qu’à ces Congrès de l’Internationale a jadis assisté l’élite du prolétariat parisien ; et qu’on voit maintenant patauger à l’aveugle les parleurs du Congrès de la rue d’Arras, on est forcé de s’avouer que la réaction a bien fait son œuvre ; qu’en écrasant l’insurrection du 18 mars, elle a véritablement décapité le prolétariat français, et qu’il faudra plusieurs années encore, peut-être, avant que les ouvriers du Paris actuel arrivent à comprendre la question sociale et à juger la situation de leur classe comme le faisaient les ouvriers socialistes de la fin de l’empire… Néanmoins, notre appréciation est demeurée la même qu’il y a huit jours : le Congrès de Paris reste, malgré tout, un fait important et réjouissant, non certes à cause des choses qui s’y sont dites, — car à ce point de vue il n’a rien ou presque rien produit de bon, — mais parce qu’en lui-même, et indépendamment de tout le reste, le fait seul d’avoir réuni des ouvriers en Congrès à Paris est une bonne chose. » Une nouvelle lettre de Paris (Bulletin du 5 novembre) résuma comme suit l’impression faite par le congrès sur cette portion du peuple des faubourgs qui restait fidèle au souvenir de la Commune et de l’Internationale :

« Le Congrès de Paris arrive toujours davantage à produire le résultat que désiraient les vrais socialistes, c’est-à-dire à faire rejeter les traîtres et les ambitieux en dehors du mouvement. Les principaux meneurs du Comité d’initiative, Pauliat, Guillon, et un ou deux autres, vont être expulsés de ce comité ; quelques amis, qui avaient cru sincèrement servir la cause en marchant à leur remorque, s’aperçoivent qu’ils font fausse route, et ont résolu de démasquer ces gens-là. La question de reddition des comptes a déjà soulevé des orages, car on y entrevoit des détails qui sont loin d’être propres. Les chambres syndicales, qui n’ont formé qu’une minorité au Congrès, protestent contre les agissements des meneurs, et prennent des dispositions pour que le prochain Congrès ne soit plus escamoté comme celui de Paris. Un groupe s’occupe activement de la création d’un journal socialiste ouvrier (je dis ouvrier, car il y en a tant qui se disent socialistes !). Je vous tiendrai au courant de ce qui se passera cet égard. »


De Belgique, un correspondant (Bulletin du 17 septembre) nous communiqua le texte de la pétition adressée à la Chambre des représentants contre le travail des enfants dans les fabriques, en disant qu’il ne pouvait l’approuver entièrement ; il nous annonçait en même temps qu’un Congrès de la Fédération belge allait se réunir pour s’occuper de la délégation au prochain Congrès général de l’Internationale.

Ce Congrès belge se réunit à Anvers le 1er octobre. Il désigna le Dr César De Paepe[1] pour représenter la Belgique au Congrès général. Il décida d’appuyer la pétition gantoise contre le travail des enfants : « Le délégué du Bassin de la Vesdre — nous écrivit notre correspondant (c’était Pierre Bastin) — a cru

  1. De Paepe était devenu docteur en médecine depuis quelques années déjà.