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jeunes amis de Bakounine, je le crois celui qui lui a été le plus près et le plus aimé. J’ai senti le besoin de lui parler encore et de lui faire communication des derniers moments de son ami ; mais il était parti de Berne[1] sans que je l’aie revu, et que je n’ai pas le temps à récrire tout ceci.

... En vous serrant la main je vous salue. Votre dévoué,

Adolf Reichel.


Comme on le voit par la demande adressée à Gambuzzi de me faire parvenir cette lettre, le récit écrit par Reichel m’était destiné tout autant, sinon plus, qu’à Gambuzzi lui-même. Celui-ci crut néanmoins pouvoir se dispenser de me le communiquer : il avait toujours eu de l’éloignement pour ceux que Reichel appelait les « jeunes amis de Bakounine », comme aussi, d’ailleurs, pour les « vieux amis » de notre Michel, — et les uns et les autres le lui rendaient bien. Si Reichel m’eût parlé de sa lettre, lorsque j’eus l’occasion de le revoir, nous aurions découvert le procédé si peu délicat de Gambuzzi à son égard et au mien ; malheureusement il n’en fit rien, persuadé, naturellement, que la lettre m’avait été envoyée ; et j’aurais à tout jamais ignoré l’existence de ce document si précieux pour moi, si Max Nettlau ne l’avait pas retrouvé à Naples en 1904 dans les papiers de Gambuzzi et n’en avait pas pris une copie qu’il m’a obligeamment communiquée en janvier 1905.




IV


Les funérailles de Bakounine et les manifestations de l’opinion.


J’emprunte au Bulletin le récit des funérailles de Michel Bakounine (numéro du 9 juillet) :


Lundi 3 juillet, des socialistes venus des différents points de la Suisse ont rendu les derniers devoirs à Michel Bakounine, mort l’avant-veille à Berne.

Le corps avait été transféré à l’hôpital de l’Île. À quatre heures du soir, le corbillard vint prendre le cercueil, et le funèbre cortège traversa les rues de la ville fédérale, pour se rendre au cimetière situé à quelque distance.

Sur la fosse plusieurs discours ont été prononcés. Adhémar Schwitzguébel a lu des lettres et télégrammes de divers amis ou sections de l’Internationale. Joukovsky a retracé la biographie de Bakounine, en insistant sur cette verdeur de sève, sur cette puissance de renouvellement qui caractérisaient celui qu’un écrivain russe a appelé « un printemps perpétuel ». James Guillaume a rappelé les calomnies dont la réaction a poursuivi le grand initiateur révolutionnaire, et les services qu’il a rendus à la cause socialiste[2]. Élisée Reclus a parlé des qualités personnelles de Bakounine, de la vigueur de son intelligence, de son infatigable activité. Carlo Salvioni[3] a rendu hommage à l’adversaire de Mazzini, au grand agitateur

  1. Le 4 juillet, le lendemain des funérailles.
  2. Je ne pus pas achever le discours commencé : une violente crise de sanglots m’empêcha de continuer, et je dus quitter le cimetière, accompagné par Joukovsky.
  3. Salvioni était un étudiant tessinois.