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ser leurs candidats, ils reconnaîtraient bien vite qu’ils se sont engagés dans une impasse. En effet, les municipalités ne sont pas autonomes ; leur compétence est très limitée, la loi leur trace d’avance un cadre dont elles ne peuvent sortir, et, si elles s’avisaient de faire acte d’indépendance, le gouvernement cantonal, en Suisse, a le droit de les suspendre et de faire administrer la localité par un délégué. Une municipalité socialiste se verrait, sous peine d’être immédiatement supprimée par le gouvernement, obligée de suivre en tout la routine de la municipalité radicale ou conservatrice ; elle ne pourrait apporter aucun changement sérieux dans le système des écoles, dans l’assiette des impôts, dans l’organisation des travaux publics, etc. Dès lors, pourquoi nommer des socialistes au Conseil municipal pour leur faire faire une besogne contraire à leurs convictions ? croit-on que la cause ouvrière aura remporté un bien grand triomphe le jour où, à la suite d’une élection, les plus actifs des propagandistes socialistes auront été transformés en administrateurs bourgeois ?

La calotte de conseiller municipal, de conseiller d’État ou de conseiller fédéral, posée sur la tête du socialiste le plus intelligent et le plus sincère, c’est un éteignoir qui étouffe à l’instant la flamme révolutionnaire.


Je finis par quelques lignes (13 juin) commentant un article où notre confrère espagnol la Revista social — qui avait recommencé à paraître — s’était occupé de la Suisse, à propos du projet de loi sur les fabriques :


Un journal espagnol, la Revista social, — le seul organe que possède à l’heure qu’il est le socialisme en Espagne, — a publié l’autre jour un article consacré à la Suisse. Nos patriotes sont persuadés que, dans les autres pays, on professe la plus vive admiration pour nos institutions : la Suisse étant, comme on sait, la république modèle, l’univers doit être sans cesse occupé à la contempler et à chanter ses louanges ! Comme on va le voir, l’admiration n’est pas si générale que ça, et les socialistes espagnols ne sont pas dupes des badauds qui leur vantent à tout propos la Suisse et la leur proposent comme idéal...

La Revista social, après avoir rapporté les principales dispositions du projet de loi suisse sur les fabriques, dit :

« C’est bien le cas de dire que la montagne a accouché d’une souris. Tant de belles promesses pour en arriver, en fin de compte, à décréter la journée de onze heures !

« L’Angleterre, elle, n’est pas une république ; et pourtant, à partir du 1er janvier de cette année, un acte du Parlement y a fixé à neuf heures la durée de la journée de travail !

« Ce rapprochement fait voir que la question économique est bien indépendante de la question politique. En Angleterre on travaille moins d’heures, parce que la classe ouvrière, grâce à sa forte organisation, y est devenue une véritable puissance. L’organisation des travailleurs est, par conséquent, le levier principal pour obtenir une amélioration du sort des ouvriers. »

Passant ensuite à la question de l’instruction publique, la Revista social se demande si, malgré le nombre des écoles et le nombre des millions dépensés, l’instruction qu’on donne en Suisse, et dans les pays qui passent