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Aïe ! voilà le bout de l’oreille qui se montre, M. Bleuler, ce socialiste, croit donc aux fameuses harmonies économiques de Bastiat et de Schulze-Delitzsch : dans ce cas, ce n’était pas la peine de faire tant de bruit pour aboutir à proclamer, comme ressource suprême du prolétariat, la doctrine la plus radicalement réactionnaire.

La coopération du travail et du capital, l’harmonie entre le capitaliste et le travailleur, la prétendue participation des ouvriers aux bénéfices, c’est l’invention la plus jésuitique dont se soient encore avisés les défenseurs des privilèges de la bourgeoisie.


Dans le numéro précédent (7 février), j’avais justement relevé un aveu de M. Edouard Tallichet, directeur de la Bibliothèque universelle de Lausanne, qui avait vanté l’association coopérative de production, bien comprise, comme pouvant et devant réaliser l’alliance du capital et du travail :


M. Tallichet constate que les revendications des ouvriers deviennent toujours plus menaçantes, et que le capital court un danger réel. Il faut chercher, dit-il, une solution qui, en réservant au capital tous ses droits, tous ses bénéfices, fasse taire les ouvriers et les conduise à accepter sans murmure leur situation inférieure. Eh bien, cette solution, cette panacée qui doit sauver le capital, elle est trouvée : c’est la coopération.

Écoutons M. Tallichet: « La coopération peut parfaitement se concilier avec l’autorité absolue d’un seul homme et avec le concours du capital, et c’est même peut-être sous cette forme que le plus grand avenir lui est réservé ». Ce qui signifie que, sous le nom de coopération, on peut parfaitement maintenir le patronat et l’exploitation par les capitalistes. « La coopération... permettra d’assurer aux ouvriers des gains modestes, mais réguliers et permanents, qu’ils accepteront sans murmurer, lorsqu’ils auront leur part aux bénéfices qui résulteront de ce système... Quand on en sera arrivé là, on n’aura vraiment plus à redouter la guerre sociale : le capital sera sauvé. » Voilà qui est suffisamment clair, et qui se passe de plus amples commentaires.


Dans le Bulletin du 28 mars, je formulai de la manière suivante notre opinion sur le socialisme de l’Allemagne, à propos du projet de programme du parti socialiste allemand :


Le programme du Parti socialiste allemand.

... Ce document, qui résume d’une façon claire le degré de développement auquel sont arrivées les idées socialistes en Allemagne, est pour nous, révolutionnaires fédéralistes, un intéressant sujet d’études. On y voit d’un coup d’œil, dans leurs traits essentiels, les différences qui séparent les révolutionnaires internationalistes du parti ouvrier national allemand.

Ces différences ont trop souvent, à la suite de polémiques déplacées, dans les journaux, dégénéré en hostilité ouverte entre ceux qui pensent comme nous et ceux qui pensent comme on pense en Allemagne. Il semblait que la différence dans les programmes provînt d’une divergence radicale dans les principes, et qu’il y eut en présence deux écoles socialistes opposées, dont la destinée serait de rester éternellement d’irréconciliables adversaires. Les choses sont-elles bien réellement ainsi ? L’âcreté des discussions,