Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Je termine par la Fédération jurassienne.

Le premier article du premier numéro de notre Bulletin agrandi (36 c. X 26 c. au lieu de 30 X 22) débutait par un coup-d’œil rétrospectif : il se félicitait des résultats obtenus depuis 1868, en six années de propagande : « Il est incontestable que l’Internationale gagne du terrain dans la Suisse française ;... chaque année voit s’accroître le nombre des hommes intelligents qui se rallient à nos principes... Le Bulletin a une double mission à remplir : il doit élucider les questions théoriques,... et en même temps servir de libre tribune aux réclamations et aux revendications de la classe ouvrière, et lutter de toute son énergie contre les organes de la bourgeoisie... Moyennant un minime sacrifice annuel, les ouvriers ont réussi à se donner un journal à eux, indépendant de tous les partis politiques, affranchi de tout patronage, et n’ayant d’autre drapeau que la vérité et la justice... Nous nous sommes assuré des correspondances directes qui tiendront nos lecteurs au courant du mouvement ouvrier de tous les pays[1]. En outre, nous publierons dans chaque numéro des Variétés à la fois instructives et récréatives, qui contribueront à rendre le journal plus intéressant. »

Nous avions eu, à la Section de Neuchâtel, le 2 janvier 1875, une soirée familière (à la brasserie Saint-Honoré), à laquelle avaient été invités des ouvriers de langue allemande ; il en vint un certain nombre. Le premier numéro du Bulletin agrandi sortait de presse (il continuait à s’imprimer à l’ancien atelier G. Guillaume fils, devenu l’imprimerie L.-A. Borel, rue du Seyon), et c’était avec une véritable joie qu’on se le passait de mains en mains. « La soirée familière donnée par notre section le 2 courant a pris le caractère d’une petite fête en l’honneur de l’agrandissement du format de notre Bulletin. La réunion était assez nombreuse ; nous avions le plaisir de voir parmi nous quelques amis du Locle, ainsi que des membres de la Société du Grütli[2], et un certain nombre d’ouvriers étrangers à la section, mais sympathiques aux idées de l’Internationale. On a bu à la prospérité de notre organe, et à la santé de l’administration du Bulletin, dont deux membres étaient présents[3]... Une collecte faite séance tenante pour les déportés de la Nouvelle-Calédonie a produit douze francs. Les premiers résultats de cette soirée ont été l’inscription de plusieurs abonnés au Bulletin, et l’entrée de quelques nouveaux membres dans notre section. » (Bulletin du 10 janvier.)

Le Bureau fédéral de l’Internationale, composé de trois membres résidant au Locle et d’un délégué par Section de la Fédération (voir ci-dessus p. 251), tint sa réunion constitutive à la gare des Convers le 24 janvier 1875 ; il adressa aux Fédérations régionales une circulaire où il disait : « Nous ne nous dissimulons pas que l’Internationale se trouve actuellement placée dans une situation exceptionnelle, faite pour paralyser sur beaucoup de points son action publique. En France, en Espagne, en Italie, la réaction comprime violemment toute manifestation socialiste ; et dans deux grands pays, l’Angleterre et l’Allemagne, les travailleurs semblent vouloir se contenler pour le moment d’une organisation purement nationale. Toutefois, nous gardons la conviction que la crise que nous traversons aujourd’hui n’est que passagère : l’idée internationale ne peut pas périr... Il ne nous reste qu’à répéter ce que nous avons dit déjà : nous ne sommes pas chargés de créer la vie et de solliciter les initiatives ; c’est aux Fédérations qu’il appartient d’agir. »

À l’occasion de la baisse de salaires qui s’était produite dans les fabriques d’ébauches du Jura, les Sections internationales du district de Courtelary adressèrent aux ouvriers de ces fabriques un appel pour les engager à s’organiser

  1. Le Bulletin, à partir de 1875, reçut en effet, comme on l’a vu, des correspondances régulières de Paris, de Londres, d’Espagne, d’Italie, de Hollande, de Russie, des États-Unis, etc.
  2. Élisée Reclus, qui se trouvait de passage à Neuchâtel, était présent. À ma demande, il adressa aux Grutléens une allocution en allemand, et j’admirai la façon aisée et correcte dont il s’exprimait dans cette langue.
  3. L’expédition du Bulletin était faite, à ce moment, par quelques membres dévoués de la Section du Locle.