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tionnelle et de concourir à la confection des lois. Voilà ce que nous déclarons dangereux. C’est pour cela qu’en Suisse nous ne pouvons pas nous associer à la tactique de ceux qui veulent pousser des ouvriers dans les Grands-Conseils : ces députés ouvriers, en effet, ne recevraient pas le mandat de protester purement et simplement contre tout ce qui se fait dans une assemblée bourgeoise, mais celui de chercher à amender les lois, et de prêter ou de refuser leur concours au gouvernement selon les circonstances. Engager le prolétariat dans une voie pareille, c’est à nos yeux lui donner un détestable conseil : c’est lui faire croire qu’il travaille à son affranchissement, tandis qu’il ne fait qu’aider ses oppresseurs à lui river la chaîne au cou.

Ainsi notre sentiment est celui-ci :

Si un député ouvrier va dans une assemblée bourgeoise pour y faire de la politique négative, c’est-à-dire pour refuser de s’associer à la besogne parlementaire et pour protester contre toute cette besogne, il rend service au prolétariat ;

Mais si un député ouvrier va dans une assemblée bourgeoise pour prendre part à ses travaux, pour lui demander des concessions, des améliorations, pour faire du parlementarisme en un mot, il rend service à la bourgeoisie.


Numéro du 13 décembre : « Les persécutions exercées contre le socialisme allemand semblent devoir porter d’excellents fruits pour la cause populaire. Un rapprochement sensible s’était déjà effectué depuis quelque temps entre les deux fractions du parti socialiste, les lassalliens et les adhérents du programme d’Eisenach. Maintenant ce rapprochement paraît vouloir aboutir à une conciliation et à une fusion complète, au grand bénéfice de l’ensemble du parti. Nous trouvons, en effet, en tête du Neuer Sozial-Demokrat du 11 courant, le document ci-dessous, signé par le président de l’Allgemeiner deutscher Arbeiterverein, Hasenclever, qui vient de sortir de prison après avoir terminé sa peine :

« À tous les lassalliens d’Allemagne. — Depuis longtemps déjà s’est manifesté le désir de voir, dans un avenir prochain, se réaliser l’union de tous les socialistes d’Allemagne. Tous les lassalliens, sans doute, sont pénétrés de ce désir, et beaucoup de socialistes de la fraction du programme d’Eisenach ont déclaré de leur côté qu’ils travailleraient de toutes leurs forces à amener cet heureux résultat[1]. Je me suis mis moi-même en relations avec un certain nombre de nos amis et avec divers membres connus de la fraction d’Eisenach, et nous allons faire les démarches les plus actives pour préparer l’union, sur une base parfaitement saine et par des moyens également réguliers pour chacune des deux parties. Mais avant toute chose, il est nécessaire que l’union soit le produit de la volonté collective des membres des deux parties, afin que, voulue et approuvée par tous, elle ne porte pas dans son

  1. Tout le monde ne voyait pas « l’union » du même œil. À Londres, Marx et Engels, acharnés contre la « secte lassallienne », suivaient d’un regard haineux les tentatives de rapprochement. Engels écrivait à Sorge (17 sept. 1874) : « Les lassalliens sont tellement discrédités par leurs représentants au Reichstag qu’il a fallu que le gouvernement entamât des poursuites contre eux, pour donner de nouveau à ce mouvement l’apparence de quelque chose de sérieux. Du reste, depuis les élections, les lassalliens se sont trouvés dans la nécessité de se mettre à la remorque des nôtres. C’est un vrai bonheur que Hasselmann et Hasenclever aient été élus au Reichstag. Ils s’y discréditent à vue d’œil : ou bien il faut qu’ils marchent avec les nôtres, ou bien qu’ils agissent pour leur propre compte et fassent des bêtises. L’un et l’autre les ruinera. »