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Révolution sociale, paragraphe que j’ai déjà reproduit dans la note de la p. 217 ; après quoi le Bulletin reprend :]

Ce qui précède était déjà écrit, lorsque nous avons lu dans la Tagwacht du 23 courant une nouvelle appréciation du Congrès de Bruxelles. On y reproduit, d’après la Gazette de Francfort, une analyse très incomplète et peu fidèle du rapport bruxellois sur les services publics, et la Tagwacht ajoute les réflexions suivantes :

« Le rapport bruxellois est une rupture complète avec l’anarchie bakouniste... Nous remarquons aussi que les observations faites par le Bulletin jurassien, à propos du rapport bruxellois, ne sont plus aussi bakounistes, à beaucoup près, que les articles publiés autrefois par ce journal ; on peut donc nourrir cette espérance que tout mouvement réellement ouvrier — malgré de nombreux écarts — finit par trouver la véritable voie. »

Et plus bas, comme conclusion :

« Donnez-nous la main, frères de Bruxelles. Ce que vous dites, nous autres socialistes allemands nous sommes prêts à y souscrire, car c’est là notre socialisme. »

À notre tour, nous avons à faire quelques réflexions.

Le rapport bruxellois n’est pas une rupture avec l’anarchie bakouniste. D’abord, l’anarchie n’est pas une invention de Bakounine ; si on veut absolument lier les doctrines à des noms d’hommes, il faudrait dire l’anarchie proudhonienne, car Proudhon est le véritable père de la théorie an-archiste. En second lieu, la Section bruxelloise n’a pas rompu avec l’anarchie. Elle n’a jamais professé officiellement une doctrine plutôt qu’une autre ; parmi ses membres, les uns, comme De Paepe, ont soutenu au Congrès un système mixte, les autres, comme Verrycken, ont parlé pour l’abolition de l’État.

La Tagwacht fait semblant de s’apercevoir pour la première fois qu’il y a dans l’Internationale, sur cette question, deux écoles opposées. Cependant les choses ont toujours été ainsi. Au Congrès de la Haye déjà, la minorité, qui s’est opposée à l’établissement de la dictature dans l’Internationale, ne se composait pas exclusivement de fédéralistes : il y avait dans ses rangs des Anglais et des Américains partisans très décidés de l’État ouvrier. Et depuis lors les choses n’ont pas changé : les internationaux anglais, allemands, américains, sont communistes d’État ; les internationaux espagnols, italiens, français et jurassiens sont collectivistes, c’est-à-dire communistes fédéralistes ; les internationaux belges et hollandais sont partagés entre les deux opinions.

Cette divergence d’opinions n’empêche pas les internationaux de tous ces pays de vivre en bonne intelligence et de se sentir solidaires dans la lutte contre la bourgeoisie ; la manière dont leurs délégués viennent de se réunir à Bruxelles pour discuter paisiblement et sans passion les questions sociales prouve la bonne harmonie qui règne entre ces divers groupes régionaux.

Donc, l’Internationale est aujourd’hui ce qu’elle était hier, et la tendresse subite de la Tagwacht pour les frères de Bruxelles a lieu de nous étonner. Les ouvriers lassalliens d’Allemagne n’ont pas attendu si longtemps pour fraterniser avec nous ; quoiqu’ils soient en désaccord sur