Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre compte des résultats obtenus. On ne détournera pas les ouvriers allemands de l’action politique, toute tentative dans ce but serait puérile.

« Bastin et Verrycken rendent compte des idées belges sur la question politique. Pour eux, ouvriers belges, il ne peut pas être question d’action politique, puisqu’il ne possèdent pas le suffrage universel. Ils ne feront rien pour obtenir le suffrage universel, parce qu’ils savent que cela ne leur servirait à rien ; ils n’attendent rien des parlements, et ils veulent continuer à consacrer toute leur activité à l’organisation ouvrière par corps de métier et fédérations ; la classe ouvrière pourra, lorsque cette organisation sera plus généralisée, faire la Révolution sociale avec succès.

« Schwitzguébel. Si les socialistes jurassiens, quoique possédant le suffrage universel, sont devenus abstentionnistes, c’est l’expérience qui les a poussés dans cette voie. À la naissance des sections internationales, ils secondaient généralement les partis politiques. On agita la question des candidatures ouvrières ; les partis bourgeois promirent des concessions, mais trompèrent les ouvriers socialistes trop confiants. La leçon a profité ; et, depuis, les études qui ont été faites en matière politique, dans l’Internationale, ont de plus en plus convaincu les internationaux du Jura qu’en abandonnant les partis bourgeois à leurs tripotages politiques, et en s’organisant en dehors d’eux et contre eux, les ouvriers prépareraient certainement une situation beaucoup plus révolutionnaire qu’en parlementant avec les bourgeois dans les assemblées législatives.

« Gomez [Farga]. La situation est devenue tellement révolutionnaire en Espagne que l’expression « action politique » n’y est même plus possible. En France, en Italie, la situation devient telle aussi. En Allemagne, les persécutions gouvernementales aboutiront à créer une situation semblable. Lorsque les grands États sont dans une pareille situation, les ouvriers n’ont plus à s’occuper d’action politique, mais d’action révolutionnaire.

« La Section de propagande de Genève avait envoyé son opinion sur l’action politique : une minorité veut l’abstention absolue ; la majorité veut l’abstention de la politique d’État, mais préconise les candidatures ouvrières dans les élections communales. »

Van Wedemer avait donné en ces termes, dans la séance privée du mercredi, l’opinion de ses mandants sur la question : « Tout ce qui travaille doit s’unir, non pour conquérir un pouvoir quelconque, mais bien pour obtenir la négation de tout gouvernement politique, qui pour nous ne veut pas seulement dire oppression, mais fourberie et mensonge ; notre devoir est de nous coaliser pour opposer une digue infranchissable aux exigences éhontées du capital, et nous ne pourrons y arriver que par une propagande incessante parmi les travailleurs, lesquels devront s’organiser pour la véritable Révolution sociale. — France, Section parisienne. Van Wedemer[1]. »

Dans la séance privée du jeudi après-midi, une commission avait été nommée pour rédiger une déclaration résumant l’opinion du Congrès sur la question de l’action politique. Cette commission, composée de Gomez, Cœnen, Frohme et Verrycken, présenta, le mercredi soir, le projet suivant :


Sur la question de savoir dans quelle mesure l’action politique des classes ouvrières peut être nécessaire ou utile à l’avènement de la Révolution sociale, le Congrès déclare que c’est à chaque Fédération et au parti démocratique socialiste de chaque pays à déterminer la ligue de conduite politique qu’ils pensent devoir suivre.


Cette déclaration fut adoptée à l’unanimité.

Quant aux questions administratives qui restaient à traiter avant la clôture du Congrès, voici ce qu’en dit Schwitzguébel, à la fin de sa dernière lettre, où

  1. J’emprunte cette déclaration au Compte-rendu officiel.