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« Frohme revint sur la question du fonctionnarisme, et des abus à éviter en ce point.

« De Paepe exposa longuement et avec clarté les idées contenues dans le rapport imprimé de la fédération bruxelloise. Nous ne résumerons pas ici le discours de De Paepe ; nous renvoyons les lecteurs au rapport que nous venons de mentionner.

« Schwitzguébel dit que la question des services publics, telle qu’elle est posée, suppose que les services seront différents dans la société future de ce qu’ils sont actuellement. Nous devons donc d’abord nous rendre compte de ce qu’ils sont aujourd’hui. C’est l’État qui est chargé de l’administration des services publics. Or, tous les socialistes sont d’accord que l’État, dans son ensemble, fonctionne au profit de la bourgeoisie, qu’il est le gardien et l’exécuteur de ses intérêts de classe. L’analyse des diverses institutions de l’État confirme ce que nous avançons. La circulation, par exemple, est un service public qui procure d’immenses avantages à la bourgeoisie. La machine juridique est basée exclusivement sur le privilège propriétaire, et fonctionne au profit du monde capitaliste ; ce sont les bourgeois qui constituent l’ordre judiciaire, et la magistrature, qui veille à l’exécution des lois, est essentiellement bourgeoise. L’enseignement, au point de vue moral, consacre et enseigne le respect de l’ordre établi ; l’armée réprime par la force les aspirations populaires ; la police surveille, dénonce, emprisonne tout ce qui attente à ce qui existe ; et enfin les administrations communales dépendent absolument du pouvoir central. Les ouvriers doivent-ils s’emparer de l’ensemble de ces institutions, de ces services publics, et les transformer selon leurs intérêts ? La réponse à cette question dépend du point de vue auquel on se place dans le grand débat entre la liberté et l’autorité, engagé depuis quelques années dans le monde socialiste. Si l’on part du point de vue anti-autoritaire, on doit vouloir la destruction de l’État actuel : la société humaine se reconstituera alors complètement à nouveau, par le groupement libre des travailleurs d’un même métier, par la fédération des groupes de producteurs dans la commune et des communes dans la région. Cette manière d’envisager la question rend assez difficile la détermination préalable de ce qui sera ou ne sera pas service public, et de la manière dont ces services seront organisés. Il nous suffit de savoir que nous devons, pour nous émanciper, constituer la propriété collective des instruments de travail, du capital, et affirmer pratiquement l’autonomie des individus et des groupes contre l’autorité de l’État. Nous savons que cette réalisation ne pourra s’opérer que par le soulèvement révolutionnaire du prolétariat.

« La discussion est reprise à la séance publique du vendredi soir.

« Frohme ne conçoit pas que les intérêts généraux de la société puissent être sauvegardés sans État. Sans doute l’orateur est hostile à l’État actuel ; mais les ouvriers, dit-il, doivent s’emparer du pouvoir politique et transformer l’État actuel en un État socialiste, qui aura alors à organiser les services publics au point de vue des intérêts des travailleurs. C’est ainsi que les socialistes allemands entendant la révolution sociale.

« Verrycken parle contre l’État, contre tout État ouvrier. En constituant ce dernier, nous n’aurions fait que prendre la place de la bourgeoisie ; c’est par la Commune libre et la Fédération libre des communes que nous devons organiser les services publics. Leur exécution incombe naturellement aux groupes de producteurs ; la surveillance aux délégations, soit des corps de métier dans la Commune, soit des communes dans la Fédération régionale.

« Brismée. Il n’y a, selon moi, aucune différence entre ce que veulent nos amis du Jura et ce que veulent les membres de la Section bruxelloise. Ni les uns ni les autres ne s’accommoderaient d’un joug quelconque. Nous sommes des adversaires déclarés de l’autorité ; comme nos amis de la Suisse, nous voulons que l’administration des services publics soit entre les mains du peuple travailleur. Les fédérations ouvrières locales et des différents pays, lorsque le moment sera arrivé, n’auront qu’à prendre possession des administrations communales et de l’État, pour que la classe ouvrière soit substituée à la classe bourgeoise, et à constituer la Chambre du travail, dont il a été tant