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réussite ; mais on jugea, du côté des révolutionnaires internationalistes, qu’on était trop avancé pour reculer. Bakounine, que Ross avait accompagné jusqu’à Vérone, avait été conduit de là à Bologne, le 30, par l’internationaliste bolonais Pio Berardi. Il resta caché pendant neuf jours, du 31 juillet au 8 août, sous le nom de « Tamburini », dans un petit logement où venaient le voir les principaux conjurés. Son journal dit : « Le 30 jeudi, soir à dix heures, à Bologne chez les Berardi, où vient aussi André [Costa]. — 31 vendredi, me transporte le soir, après avoir expédié Pio Berardi à Locarno avec lettre d’André, dans un nouvel appartement, sous le nom de rentier riche, malade et sourd Tamburini. Avec moi Francesco Pezzi. — Août 1er. D’abord seul avec Pezzi ; le 2 vient Paolo Berardi et loge avec nous. Le 3 vient André, de Rome, et loge avec nous ; m’amène Mazzotti[1], Faggioli, Natta ; il part le 4 avec Faggioli pour Rovigo. Le 5 soir, d’abord nouvelle de la descente de la police chez Mme  Angiolina Vitali, à la suite de quoi envoyé immédiatement lettre pour Lipka[2] ; une heure plus tard, nouvelle de l’arrestation d’André apportée par Faggioli, qui me transporte à deux heures la nuit chez Silvio Fr. » L’arrestation de Costa privait la conspiration de son organisateur principal. Ou tint conseil, le 5 et le 6, chez Silvio Fr., et on décida d’agir quand même : la nuit du 7 au 8 fut désignée pour l’exécution du complot[3]. Le plan, d’après des socialistes bolonais qui participèrent au mouvement[4], était le suivant : « L’insurrection devait éclater à Bologne, et de là s’étendre à la Romagne d’abord, aux Marches et à la Toscane ensuite ; une colonne d’insurgés bolonais, renforcée d’environ trois mille internationalistes romagnols, devait, partie des Prati di Carrara, entrer à Bologne par la porte San Felice ; une autre colonne, partie de San Michele in Bosco, entrerait à l’arsenal, dont les portes devaient lui être ouvertes par deux sous-officiers (qui, pour se soustraire à une condamnation certaine, se réfugièrent ensuite en Suisse), s’emparerait des armes et des munitions qui y étaient déposées, et de là se porterait à l’église de Santa Annunziata (transformée en établissement pyrotechnique), pour y prendre tous les fusils qui y étaient conservés. Sur quelques points de la ville étaient déjà rassemblés les matériaux pour improviser des barricades, et une centaine de républicains avaient promis de prendre part au mouvement, non comme parti, mais individuellement. » Le 7 fut répandu dans la ville, à de nombreux exemplaire, un troisième numéro du bulletin du Comitato italiano per la Rivoluzione sociale[5], qui appelait les prolétaires aux armes, et adjurait les soldats de faire cause commune avec le peuple. Dans la nuit du 7 au 8, des groupes d’internationalistes bolonais se réunirent aux lieux de rendez-vous, hors des murs ; mais les camarades romagnols qu’on attendait de San Giovanni in Persiceto, de Budrio, etc., ne vinrent pas ou vinrent en trop petit nombre ; ceux d’Imola furent cernés dans leur marche, près de la station de Castel San Pietro ; une partie d’entre eux furent arrêtés, les autres battirent en retraite. Au point du jour, les insurgés réunis sous les murs de Bologne se dispersèrent, sauf quelques-uns qui se jetèrent dans la montagne. Bakounine, resté seul une partie de la nuit dans le logement où il se tenait caché, attendait qu’on vînt le chercher pour se joindre aux insurgés qui, selon le plan convenu, devaient en-

  1. C’est le Mazzotti que nous retrouverons plus tard à la Baronata, chez Cafiero, et en 1875-1870 à Lugano.
  2. Mme  Olympia Cafiero. Celle-ci avait, comme il a été dit, transporté de la dynamite à Bologne ; j’ignore si à ce moment elle se trouvait encore dans cette ville, ou si elle était déjà retournée à Locarno.
  3. Le secret fut si bien gardé sur ces conciliabules que, de tous ceux qui y participèrent, seul Alcoste Faggioli fut impliqué dans le procès qui eut lieu à la suite de la tentative manquée. La police italienne ignora complètement la participation de Bakounine aux événements de Bologne.
  4. Les auteurs de Bologna 1874 — Bologna 1897, cités par Nettlau. p. 803.
  5. Ce numéro est intitulé : Comitato italiano per la Rivoluzione sociale. N° 3. A tutti i proletari italiani. Argosto 1874. Le texte en a été reproduit par Nettlau, pages 804-805.