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tion comme forme organique ; affirmation des nécessités révolutionnaires comme point de départ de l’organisation des services publics » ; — le Locle disait : « Nous pensons que cette question, un Congrès de l’Internationale ne peut pas donner de réponse » ; — Berne, au contraire, avait indiqué un plan général d’organisation, mais en refusant d’entrer dans les détails, qui devaient être laissés à l’expérience de l’avenir. Sur la question de l’action politique des classes ouvrières, les trois mandats étaient d’accord : « Notre abstention est loin d’être la négation d’une politique ouvrière, elle en est au contraire le corollaire obligé ; si, au lieu de nommer des députés qui discutent et résolvent entre eux les questions d’intérêt général, les ouvriers s’occupent eux-mêmes de discuter les questions économiques qui sont la base de la société humaine, ils auront bientôt réduit à néant toutes les combinaisons machiavéliques des politiqueurs bourgeois » (le Locle) ; mais il ne s’agissait pas d’imposer à l’Internationale un dogme officiel : après que les fédérations qui sont opposées à l’action politique légale et autoritaire des ouvriers auraient montré pourquoi elles sont arrivées à cette conclusion, le délégué expliquerait « que les fédérations libres ne prétendent pas imposer leur manière de voir à toute l’Internationale ; qu’elles reconnaissent au contraire que le prolétariat de chaque pays suivra nécessairement la voie que les événements et sa propre éducation sociale lui traceront » (Sonvillier).


Lorsque Cafiero vint à Neuchâtel le 1er septembre après les mouvements insurrectionnels d’Italie (voir ci-après p. 209), il nous expliqua, à Schwitzguébel et à moi, que la Fédération italienne avait renoncé à envoyer une délégation au Congrès général de Bruxelles, parce que pour elle « l’époque des Congrès était finie » ; et nous apprîmes par lui que le Comitato italiano per la Rivoluzione sociale ferait parvenir une Adresse au Congrès pour lui expliquer la situation de l’Italie et les raisons de son abstention. Cafiero nous communiqua le texte de ce document (c’était lui qui l’avait rédigé), et il me demanda de le traduire en français et de faire imprimer cette traduction : ce que je fis.


Il me reste à dire comment se termina la lamentable histoire de la Baronata, et à parler des mouvements insurrectionnels italiens d’août 1874.

Sur ce qui se passa à la Baronata, après le départ de Cafiero pour la Russie, le Mémoire justificatif ne donne pas de détails ; Bakounine y mentionne seulement l’achât fait par lui, en l’absence de Cafiero, de la propriété Romerio, qui agrandissait le domaine : « Ce qui me tenta surtout, dit-il, c’était la valeur incontestable que cette nouvelle acquisition, celle du bois surtout, ajoutait à la maison et par conséquent à la Baronata ». Ainsi que je l’ai dit, vers la fin de juin, Ross, venant de Londres (voir ci-dessus p. 187), s’était rendu à Locarno. Cafiero et sa femme, revenant de Russie, y arrivèrent presque en même temps, au commencement de juillet ; mais ils ne se logèrent pas, cette fois, à la Baronata, réservée à Mme Bakounine et à sa famille, qu’on attendait : Carlo et Olympia louèrent une chambre dans les environs (lettre de Mme Cafiero du 31 décembre 1907). Comme Cafiero n’avait plus d’argent, il dut aller à Barletta pour s’en procurer de nouveau, et Bakounine lui indiqua la somme qu’il estimait nécessaire à l’achèvement de l’entreprise : « Je lui dis que pour terminer tous les travaux et pour assurer l’administration intérieure de la Baronata et l’existence de la famille pendant les deux ans qu’elle produirait très peu ou rien[1], il fallait au moins encore cinquante mille francs. Il me dit qu’il allait précisément à Barletta pour liquider définitivement ses affaires. »

Antonia Kwiatkowska, cependant, s’était mise en route, de Krasnoïarsk (Sibérie), avec ses trois enfants, sa mère et son père ; elle avait quitté Moscou le 4 juillet, et était attendue à Locarno du 12 au 15 juillet ; une de ses sœurs,

  1. Bakounine s’était figuré qu’au bout de deux ans, la Baronata serait d’un rapport suffisant, grâce aux plantations qu’on venait d’y faire, pour que ses habitants pussent vivre du revenu qu’elle leur procurerait.