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geance. Soixante-six ouvriers ont disparu de cette localité. Le peuple de San Fernando sait que ces malheureux, après avoir été arrêtés, ont été conduits à bord d’un navire, et que là, au milieu de la nuit, on les a cousus dans des sacs et jetés à la mer avec des boulets aux pieds. L’auteur de ce crime, le capitaine-général Arias, vient de recevoir le salaire de son forfait : il a été nommé ministre de la marine. » — « Au commencement de mai, les tonneliers et les ouvriers maritimes de la Catalogne ont tenu leur troisième Congrès annuel, qui a voté, au milieu du plus grand enthousiasme, l’adhésion à l’Internationale. Trois mille ouvriers étaient représentés à ce congrès. » — « Le gouvernement espagnol a réclamé, et le gouvernement français a livré, neuf cents prolétaires qui avaient pris part au mouvement de Carthagène, et qui ont été conduits à Ceuta. Les sections de Málaga ont tenu un Congrès local. Les délégués de plusieurs fédérations locales se sont réunis le 17 mai à Xérès, à l’effet de nommer une délégation au prochain Congrès régional espagnol, qui aura lieu bientôt, en dépit de la police. Le Conseil fédéral de l’une des Unions régionales de métiers a adressé une circulaire aux ouvriers de cette Union pour les engager à s’organiser révolutionnairement. » — « Les soixante-treize compagnons de San Lucar, après onze mois de prison, ont été transportés à la Carraca (l’arsenal de Cadix), sans qu’ils sachent encore pourquoi ils sont détenus ni quand ils seront jugés. Le premier acte dont ils ont été témoins, en arrivant à leur nouvelle prison, a été la bastonnade donnée à plusieurs ouvriers, sans motif aucun. On a renfermé ces compagnons dans les mêmes tours qu’occupaient les soixante-six malheureux de San Fernando jetés à la mer par les assassins bourgeois ; ne médite-t-on pas quelque attentat pareil contre les nouveaux habitants des cachots des quatre tours ? »

Le Congrès annuel de la Fédération espagnole eut lieu à Madrid le 25 juin 1874 et les jours suivants ; la police, malgré toute sa vigilance, ne put empêcher les délégués de quarante-sept fédérations locales de se réunir et de délibérer. Le rapport de la Commission fédérale constata que la Fédération régionale se composait de 320 fédérations locales, formant un total de 532 sections. Le Congrès approuva les résolutions du Congrès général de Genève, de septembre 1873 ; il revisa sur quelques points les statuts de la Fédération ; il décida que les sections continueraient à verser, en faveur des internationaux emprisonnés et persécutés, la cotisation mensuelle d’un quart de peseta (25 centimes) par membre ; il fixa la date du prochain Congrès régional au premier dimanche de mai 1875 ; il composa la Commission fédérale de quatre membres, et il fut entendu qu’elle résiderait sur le point de la péninsule ibérique qui conviendrait le mieux à sa sécurité ; enfin, il vota à l’unanimité la résolution suivante : « Le Congrès se déclare solidaire de tous les actes révolutionnaires, tels que ceux d’Alcoy et d’autres localités, accomplis par les internationaux de la région espagnole ; il envoie un salut fraternel à tous les ouvriers des divers pays qui endurent les persécutions de l’infâme bourgeoisie, et en même temps un souvenir de reconnaissance aux victimes tombées par suite de leur dévouement à la grande cause de la Révolution sociale. Il reconnaît comme un devoir l’exercice des représailles, aussi longtemps que les travailleurs seront traités comme des bêtes fauves et qu’on leur déniera leurs droits. » Il décida en outre la publication d’un Manifeste aux travailleurs, « qui a été immédiatement publié par une imprimerie clandestine, et dont nous avons entre les mains un exemplaire », dit le Bulletin du 19 juillet. Notre organe en reproduisit le passage suivant, où le Congrès annonce la résolution bien arrêtée des internationaux espagnols d’appliquer à la bourgeoisie la loi du talion : « Dès ce jour, et jusqu’à ce que nos droits soient reconnus, ou que la révolution sociale ait triomphé, tout exploiteur, tout oisif vivant de la rente, tout capitaliste parasite et jouisseur qui, confiant dans l’impunité que lui promet l’État, aura commis envers nous une offense grave ou aura violé nos droits, tombera sous les coups d’un bras invisible, et ses propriétés seront livrées au feu, afin que notre justice ne s’accomplisse pas au profit des héritiers légaux. »


Pendant les mois qui précédèrent les événements d’août 1874 en Italie, nous