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maison. Le vieux maître d’hôtel du marquis, notre ami[1], prit le gouvernement. Ce fut un autre système, mais pas de différence dans l’économie. Cafiero sait tout cela, il sait le désespoir que j’en éprouvais ; et ce n’est qu’après le départ du vieux Pezza que je parvins à établir, avec l’aide de Mme  Zaytsef, un peu d’économie[2]. Enfin pendant cet hiver nous avons dépensé, seulement pour l’entretien de la maison, plus qu’il n’en faudrait à Antonie pour un an ou pour un an et demi peut-être. Fut-ce ma faute ? Certainement non. Je ne laissai pas passer un jour sans protester, souvent sans crier, Cafiero le sait bien ; mais tout cela fut inutile, parce que moi-même je n’y entendais rien. D’ailleurs la maison nourrissait et logeait une masse de personnes, il n’y avait aucun ordre, c’était un gaspillage général de toutes choses.


Ensuite Bakounine fait l’énumération des divers travaux exécutés à la Baronata, et rappelle que tous ces travaux eurent l’approbation de Cafiero. Je ne puis pas tout reproduire, je cite seulement un passage caractéristique :


Tous ces travaux et toutes ces dépenses s’encrochaient (sic) et l’un entraînait nécessairement l’autre. C’est ainsi qu’ayant deux vaches et deux chevaux, nous avons dû d’abord chercher une femme pour soigner et pour traire les vaches et un cocher pour les chevaux. C’est Cafiero lui-même qui est allé chercher et qui nous a amené le cocher, le vieux Beppe ; mais les cochers coûtent cher, l’entretien des chevaux et des vaches, que nous n’avons jamais su organiser économiquement, nous a coûté beaucoup d’argent. Il a fallu ensuite construire une grande fosse à fumier pour alimenter les plantations sur un terrain qui pendant des années était resté sans engrais. Il a fallu reconstruire l’écurie, la scuderia, qui tombait en ruine et qui menaçait d’écraser les hommes et les chevaux, et y ajouter nécessairement une remise pour la voiture. Pour pouvoir planter, il a fallu entreprendre un grand mouvement de terre et la construction de beaucoup de murs ; pour pouvoir faire valoir la Baronata il fallait planter beaucoup d’arbres à fruit. J’avais arrêté avec Cerrutti que les frais de la plantation ne dépasseraient pas 3000 francs : il a dépassé ce chiffre de plus de 2000 francs, toutes les dépenses comprises. Comme la Baronata, avant tout, manquait d’eau, il fallait absolument construire la citerne du milieu, telle qu’elle nous fut proposée par Ruggiero et acceptée par Cafiero aussi bien que par moi. Ensuite, une fois décidé que la nouvelle grande maison sur la montagne serait construite, il fallait faire le lac[3], car autrement on

  1. C’est le vieux père de Vincenzo Pezza ; il avait été longtemps cuisinier chez un grand seigneur italien.
  2. Dans l’automne de 1873, Zaytsef quitta Locarno pour aller à Menton chercher un gagne-pain en donnant des leçons dans des familles russes. Mme  Zaytsef, pendant ce temps, alla habiter la Baronata avec sa fille, et avec sa sœur Olympia Koutouzof (venue de Russie au printemps de 1873), qui bientôt devint, sans formalités légales, la compagne de Cafiero. En février ou mars 1874, appelée par sa mère gravement malade, Olympia Koutouzof quitta la Baronata pour se rendre en Russie auprès d’elle. Mme  Zaytsef et sa fille restèrent encore dans la villa jusqu’au printemps de 1874 ; Zaytsef vint alors les y chercher, et s’installa avec elles, pour l’été, dans une maison sur la pente de la montagne, au-dessus de Locarno. (Lettre de Mme  Olympia Koutouzof-Cafiero, du 18/31 décembre 1907.)
  3. Une pièce d’eau qui fut creusée dans le jardin ; les pierres provenant de l’excavation furent employées à la construction de la nouvelle maison.