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— et nous constatons en même temps que les attaques dirigées à réitérées fois par le Volksstaat contre les hommes de l’Allgemeiner Arbeiter-Verein (les lassalliens), que ce journal représentait comme des instruments de Bismarck[1], se trouvent par le fait être désavouées et reconnues pour de pures calomnies… Maintenant qu’après une longue crise un esprit d’apaisement semble prévaloir à peu près partout, nous faisons des vœux pour qu’un rapprochement puisse s’opérer entre les divers groupes qui fractionnent le prolétariat de l’Europe et de l’Amérique, et pour qu’au moins, dans la presse socialiste, la discussion franche et loyale vienne remplacer l’injure.


Un discours prononcé par Hasselmann au Reichstag contre le projet de loi sur les ruptures de contrat (Kontraktbruchgesetz) contenait ce passage : « En Allemagne, nous n’avons jusqu’à présent lutté que dans les limites légales ; nous laissons à notre ennemi, le capital, le soin de rompre le premier le pont de la légalité. Mais, chez nos voisins, nos amis ont déjà rompu le pont ; là, le prolétariat à bout de patience a pris les armes contre les exploiteurs versaillais, contre ces bandits de l’ordre qui, après trois années, commandent encore des exécutions et se baignent encore dans le sang. Et ce combat entre le travailleur et l’oisif, entre le capital et le travail, entre la misère et la jouissance, l’Allemagne n’y échappera pas. »


Ces paroles — dit encore le Bulletin — sont pour nous un symptôme frappant des progrès qu’a faits depuis quelques années le prolétariat allemand… La période exclusivement militaire est passée ; le peuple ouvrier prend conscience de sa misère et de ses droits ; le flot de la révolution monte.


Le Neuer Sozial-Demokrat, organe des lassalliens, publia un appel aux travailleurs allemands, signé par Hasenclever, pour les inviter à célébrer, le 18 mars 1874, le troisième anniversaire de la Commune de Paris, afin de montrer qu’ils étaient étrangers à toute haine nationale, à tous préjugés nationaux : « car l’humanité passe avant l’Allemagne ».

Dans un article où je commentais un passage de l’Arbeiterprogramm de Lassalle (Bulletin du 29 mars), j’appliquais à l’idée du « Volksstaat », de l’État populaire, le jugement porté par Lassalle sur le programme de la révolte des paysans allemands de 1525, qui, avait-il dit, n’était qu’un développement du principe ancien de la société féodale, d’un principe appartenant à une période historique qui avait fini son temps et qui allait disparaître ; et j’écrivais, en reprenant ses propres paroles :


Les partisans de l’État populaire sont des hommes « qui prennent pour un nouveau principe révolutionnaire ce qui n’est autre chose qu’un rajeunissement, un replâtrage, une expression plus correcte et plus conséquente du vieux principe, du principe de la période historique qui finit ».

Toutefois l’erreur dans laquelle ces citoyens nous paraissent tomber est une de ces erreurs de théorie que l’expérience corrige ; et nous voyons déjà se produire des symptômes qui semblent annoncer, en Allemagne, une manière nouvelle d’envisager la question. Il y aura bien, peut-être,

  1. Peu de temps avant, le Volksstaat avait encore écrit, au sujet de Lassalle, ces paroles odieuses, parodie d’un vers célèbre de Voltaire : « Si Lassalle n’avait pas existé, Bismarck aurait dû l’inventer » ; en allemand : Weire Lassalle nicht von selbst gekommen, so hätte Bismarck ihn erfinden müssen. (Mehring, Geschichte der deutschen Sozialdemokratie, 2e éd., t. IV, p. 63.)