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entre nous dès qu’il s’agit de combattre les auteurs de notre commune oppression... Sur ce terrain, nous voulons l’espérer, il n’y aura entre vous et nous qu’une lutte d’émulation pour arriver plus vite et de la manière la plus efficace au secours de ces travailleurs [les grévistes belges] dont on a violé les droits de la façon la plus indigne... Notre but commun étant l’émancipation du travail, nous ne saurions être des ennemis : aujourd’hui, comme toujours, nous vous tendons une main fraternelle sur le terrain de la solidarité économique, et nous vous demandons d’avoir envers nous les mêmes sentiments. » Le Comité central de l’Arbeiterbund répondit (lettre du 10 octobre, signée par Gutsmann, président, et Tauber, secrétaire) que « l’état actuel de leur fédération ne faisait pas espérer grand chose, mais qu’ils avaient fait ce qu’ils pouvaient faire, en faisant insérer dans leur organe, la Tagwacht, le résultat et les faits décrits dans la lettre du Comité fédéral jurassien ». Le Bulletin publia, sur le même sujet, l’entrefilet suivant (28 septembre) : « Nous savons que les mécaniciens du Centre-Hainaut avaient envoyé l’hiver dernier cinq cents francs aux bijoutiers de Genève alors en grève. Les sociétés ouvrières de la fabrique de Genève, qui sont toutes riches, ne pourraient-elles pas en cette occasion faire acte de solidarité envers des compagnons qui les ont aidés si généreusement dans un moment critique ? » Les ouvriers de la fabrique firent la sourde oreille, sauf les bijoutiers, qui remboursèrent les 500 fr. reçus par eux de Belgique l’année précédente ; les mécaniciens de Genève souscrivirent 80 fr., les tailleurs de pierre 100 fr., les menuisiers 100 francs. Les souscriptions de la Fédération jurassienne s’élevèrent à 418 fr. 05 (Bulletin du 7 décembre). — À titre de réciprocité, le Bulletin parla, en décembre, d’une grève faite à Zürich par les relieurs, et publia (22 décembre) une lettre que le Comité central de l’Arbeiterbund envoyait au Comité fédéral jurassien, pour prévenir les ouvriers relieurs de s’abstenir d’aller chercher du travail à Zürich. Ainsi se manifestaient, en dépit des haines fomentées par les agents marxistes tels que J.-Ph. Becker, les premiers symptômes d’un rapprochement entre les ouvriers de langue allemande et ceux de langue française.

L’activité des Sections jurassiennes, à Neuchâtel, la Chaux-de-fonds, le Locle, Saint-Imier, se porta essentiellement sur l’organisation de la fédération des sociétés ouvrières dans chaque localité. Comme l’avait prévu notre correspondant de Boston, la crise américaine avait eu sa répercussion sur l’industrie horlogère du Jura. « Depuis plusieurs semaines, dit le Bulletin du 7 décembre, la crise financière d’Amérique fait sentir son contre-coup chez nous. Le travail se ralentit surtout chez les monteurs de boîtes et les graveurs ; on nous cite un atelier de la Chaux-de-Fonds qui a dû congédier tous ses ouvriers. Si la situation se prolonge, nous pourrions bien revoir les tristes jours de la grande crise d’il y a une douzaine d’années ; et le prix élevé des subsistances rendrait la position des ouvriers encore plus pénible. C’est maintenant plus que jamais qu’il est du devoir de chacun de travailler, au sein des sociétés ouvrières, pour organiser la solidarité d’une façon pratique. » À la Chaux-de-Fonds, la Section avait décidé d’envoyer chaque mois au Comité fédéral jurassien un rapport sur la situation ; le rapport pour le mois d’octobre nous apprend que la fédération ouvrière locale était composée à ce moment de sept sociétés de résistance. Au Locle, qui était le siège du Comité fédéral et de l’administration du Bulletin depuis mai 1873, il y avait six sociétés ouvrières organisées, celles des monteurs de boîtes, des faiseurs de secrets, des graveurs et guillocheurs, des repasseurs et remonteurs, des peintres émailleurs, et des pierristes et sertisseurs. Au Val de Saint-Imier, le mouvement corporatif continuait à donner des résultats satisfaisants (Bulletin du 30 novembre) ; dans son assemblée générale, le 21 décembre, la société des ouvriers graveurs et guillocheurs renouvela à l’unanimité son adhésion à l’Internationale. À Bienne, la société des graveurs, à l’assemblée générale de laquelle (14 décembre) assistèrent deux délégués de la Chaux-de-Fonds, Heng et Otterstetter, manifestait d’excellents sentiments, de même que la société des monteurs de boîtes d’or, qui souscrivit à deux douzaines d’exemplaires de l’Almanach du peuple pour 1874. À Neuchâtel, un