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constance ? Voter oui, c’était faire de la réaction cléricale, bien que les conservateurs, avec leur mauvaise foi habituelle, eussent baptisé la modification demandée par eux du nom de « séparation de l’Église et de l’État »... Les socialistes ne voient dans la soi-disant séparation de l’Église et de l’État qu’une hypocrisie, destinée à amener entre ces deux institutions une plus étroite alliance... Mais si les socialistes ne pouvaient voter oui, ils ne pouvaient pas davantage voter non. Voter non, c’était dire : « On ne revisera pas la constitution, car nous sommes satisfaits de ce qui est ». Or nous n’en sommes pas satisfaits le moins du monde.


Sur la question du referendum, le Bulletin disait :


À nos yeux, faire voter le peuple sur les lois n’est pas aujourd’hui un progrès. Le vote étant faussé d’avance, jamais par ce moyen on ne pourra donner satisfaction aux vrais intérêts populaires. La réforme qu’il faut opérer, ce n’est pas telle ou telle modification dans les rouages de notre machine législative, car tout cela n’est que du charlatanisme, tout cela n’est destiné qu’à jeter de la poudre aux yeux du peuple. La seule réforme sérieuse et vraiment radicale, c’est d’établir l’égalité des conditions par l’émancipation du travail. Alors tous les citoyens seront réellement libres, alors le vote populaire cessera d’être une tromperie et deviendra l’expression vraie de la volonté [de la majorité] du peuple. La conclusion de ce raisonnement, c’est que, le progrès proposé sous le nom de referendum n’en étant pas un, les socialistes ne pouvaient voter oui ; et que d’un autre côté ils ne pouvaient voter non, ce qui eût été approuver l’ordre de choses actuel.


L’article se terminait ainsi :


Du reste, on pourrait encore se demander ceci : Le gouvernement avait-il qualité pour nous poser ces questions ? Qui lui a donné ce droit ? Pas nous, certes, puisque nous avons refusé de contribuer à sa nomination, et que nous ne voulons pas reconnaître la légitimité de son existence. En se fondant sur cette seule raison, on aurait donc pu refuser de répondre à des questions posées par le gouvernement.

Toutefois, s’il y avait utilité réelle à prendre part à un vote, nous croyons qu’on aurait tort de se laisser arrêter par une considération de cette nature ; nous n’hésiterions pas, pour notre compte, à profiter sans le moindre scrupule de toutes les occasions que nous pourrions rencontrer pour faire un pas de plus vers le triomphe de notre cause.

Mais, dans les circonstances présentes, la victoire soit du parti radical, soit du parti clérical, dans la revision de la constitution neuchâteloise, ne pouvait intéresser que médiocrement les socialistes. C’est une illusion de croire que les cantons suisses puissent avoir une politique propre, et que, par leur seule initiative, ils soient en état de réaliser tel ou tel progrès sérieux. Le mouvement, dans notre pays, — mouvement en arrière ou en avant, — dépend du mouvement général de l’Europe ; nous ne faisons que suivre les impulsions que nous donnent les grands pays voisins, et surtout le pays révolutionnaire par excellence, la France. C’est dans ce mouvement général de l’Europe qu’est le véritable champ d’action des socialistes ; qu’ils