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Fame de Gênes, la Giustizia de Girgenti, le Petrolio de Ferrare, La Commission italienne de correspondance publiait, je l’ai dit, le Bollettino della Federazione Italiana.

Une lettre datée de Bologne, 28 novembre (écrite de la Baronata par Costa), publiée dans le Bulletin du 7 décembre, caractérisait ainsi la situation de plus en plus révolutionnaire :

« Pendant que nos adversaires de toutes nuances se croient plus assurés que jamais du maintien de leur position privilégiée, le prolétariat italien compte ses forces, serre ses rangs, et s’apprête à profiter de la première occasion pour montrer aux bourgeois qu’il sait faire quelque chose. La misère qui s’accroit avec l’approche de l’hiver, les fautes et les actes arbitraires du gouvernement, la coupable indifférence des heureux du monde, font grandir le mécontentement et les passions révolutionnaires des plèbes affamées. Interrogez les ouvriers de la campagne, interrogez ceux des villes : tous vous diront que cela ne peut plus aller de la sorte, qu’il est nécessaire d’en finir avec les messieurs, et que, lorsque les pauvres gens meurent de faim tandis que les greniers des riches regorgent de blé, le peuple sait ce qu’il a à faire pour se tirer d’embarras.

« Un des délégués italiens au Congrès de Genève a dit qu’en Italie l’organisation économique n’était pas beaucoup comprise par les ouvriers. C’est vrai : nous n’avons pas, ici, de grands centres industriels, où la vie en commun est une nécessité, où l’association est la condition indispensable du travail. En Italie, sauf dans quelques localités, chacun travaille chez soi et pour son compte ; ainsi vous aurez, par exemple, dans la même rue et séparés par une simple cloison, cordonniers, charpentiers, forgerons, mécaniciens, orfèvres, tourneurs, etc., sans qu’il existe entre eux d’autres relations que le voisinage, la communauté d’intérêts, le désir de s’émanciper, la passion révolutionnaire. L’organisation économique est assez difficile dans un pareil état de choses ; mais les révolutionnaires n’y perdent rien ; au contraire, dans cet isolement économique de l’ouvrier, les besoins se faisant sentir davantage, la réalisation de nos idées est pour lui une impérieuse nécessité, à laquelle il sera contraint d’obéir. La solidarité, pour le prolétaire italien, consiste précisément dans ce partage des douleurs, des espérances, des défaites, des victoires, dans l’harmonie et dans le soulèvement spontané de toutes les forces vives de la révolution sociale, et non dans un assemblage plus ou moins mécanique des éléments de la production, »


En France, les deux principaux événements des trois derniers mois de 1873 sont des événements politiques. C’est, d’abord, le complot monarchique, qui faillit mettre le comte de Chambord sur le trône, et qui n’échoua que parce que le prétendant se déroba. Le Bulletin écrit (9 novembre) : « La crise annoncée pour la rentrée de l’Assemblée a été ajournée par la reculade du comte de Chambord, qui, au dernier moment, a lâché ses complices. Mac-Mahon reste au pouvoir, et le provisoire va se prolonger indéfiniment. Cette nouvelle combinaison, que quelques-uns regardent comme le triomphe de la République, nous paraît au contraire tout à l’avantage du bonapartisme. Le moment venu, il suffira à ce parti d’un coup d’État militaire et d’un plébiscite pour escamoter le gouvernement. Toutefois, jusque-là il nous reste encore quelque répit. Espérons que les socialistes français en profiteront pour organiser leurs forces de manière à pouvoir, au jour de la lutte, opposer au coup d’État bonapartiste les barricades de la Révolution sociale. » L’autre événement, c’est le procès de Bazaine : condamné à mort le 10 décembre, le traître vit sa peine commuée par son camarade Mac-Mahon. « Bazaine ira finir ses jours sous les orangers de l’ile Sainte-Marguerite, pendant que les vaincus de la Commune agonisent en Nouvelle-Calédonie. Allons, à la bonne heure ! » (Bulletin.) On sait que Bazaine s’évada huit mois après, avec la complicité du gouvernement.

Le Bulletin recevait de temps en temps des correspondances envoyées par les déportés de la Commune. On en trouve une dans son numéro du 12 octobre, relatant la mort de Verdure, et faisant le tableau des souffrances endurées