Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuté autrefois, croyant avoir affaire simplement à des socialistes qui différaient de nous sur des points de doctrine. Maintenant nous voyons clairement que les Marx, les Engels, et toute leur séquelle, ce n’est pas une école socialiste ayant une doctrine plus ou moins erronée : c’est tout simplement la réaction, absolument comme Mazzini, Bismarck, Castelar et M. Thiers.

Heureusement que cette réaction-là ne prévaudra pas sur la conscience révolutionnaire des ouvriers. Elle est impuissante, et le sentiment de cette impuissance accroît jusqu’au délire la fureur des intrigants. Laissons-les s’agiter dans le vide ; leur rage ne servira qu’à les discréditer auprès de ceux qui, en Allemagne, ont encore quelque confiance en eux.


Encore le « Volksstaat » et les Espagnols.
(Bulletin du 16 novembre 1873.)

Dans les articles de M. Engels que nous avons cités la semaine dernière, on se souvient que les « intransigeants » de Carthagène étaient fort maltraités. L’ami de Marx leur reprochait d’avoir enrôlé de vils scélérats ; il se moquait de leur profonde incapacité ; il s’indignait contre leurs expéditions maritimes aussi ridicules que barbares ; enfin il les accusait surtout d’obéir à un mot d’ordre de Bakounine, accusation absolument fantastique, mais qui rentre dans le plan général de dénigrement et de calomnie.

Or voici que le Volksstaat, dans un autre numéro, trois jours après, change subitement de ton. Les insurgés de Carthagène sont des héros ; ils sont supérieurement dirigés par d’excellents chefs ; ils remportent des succès éclatants ; leurs expéditions maritimes, si odieuses et si burlesques trois jours avant, sont des faits d’armes remarquables ; bref, les intransigeants de Carthagène sont les véritables, les seuls authentiques représentants de la révolution espagnole. Mais alors ils ne sont plus bakounistes ? Naturellement. Cette fois, les bakounistes, ce sont leurs adversaires.

Voilà comment on dit blanc le dimanche et noir le mercredi. Les rédacteurs du Volksstaat n’y regardent pas de si près : pourvu que leurs tartines soient épicées d’injures de haut goût, ils sont contents de leur besogne.

Du reste, pour que chacun puisse s’assurer que nous n’exagérons rien, nous allons mettre en regard l’un de l’autre les deux articles de Volksstaat :


Les insurgés de Carthagène jugés par le Volksstaat (Engels)
du 2 novembre 1873.

« Les insurgés de Carthagène, qui ne s’étaient occupés que d’eux-mêmes pendant qu’on se battait à Valencia et en Andalousie, ne commencèrent à penser au monde extérieur qu’après l’écrasement des autres insurrections, et lorsque l’argent et les vivres vinrent à leur manquer. Ils firent alors une tentative pour marcher sur Madrid, qui est éloigné d’au moins soixante milles allemands (quatre cent cinquante kilomètres), le double de la distance de Valencia ou de Grenade. L’expédition avorta misérablement, tout près de Carthagène ; le blocus mit fin à toute tentative de sortie du côté de la terre ; on se rabattit sur les expéditions maritimes. Et quelles expéditions ! Il ne pouvait être question d’un soulèvement, par la flotte de Carthagène,