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Toute fédération qui reste fidèle à cet engagement remplit son devoir comme adhérente à l’Internationale. Notre Association ne lui impose pas d’autre obligation. Elle ne prétend pas dicter aux différents pays une politique uniforme, ni intervenir, au moyen d’un Comité central, dans l’organisation intérieure des diverses régions. Chaque pays détermine lui-même sa politique propre, chaque fédération s’administre elle-même sans aucune immixtion d’un pouvoir central ; de tous, l’Internationale ne réclame qu’une chose : l’observation du devoir suprême de la solidarité dans la lutte économique.

Telle est la conception, si simple et si grande à la fois, à laquelle le Congrès de Genève a pour mission de donner une sanction nouvelle et définitive ; c’est cette idée que nous opposons aux projets chimériques et aux tentatives puériles de ceux qui ont essayé de transformer l’Internationale en lui donnant des chefs, et en réduisant ses sections à l’état de simples unités tactiques d’une armée soumise à l’obéissance passive. Un plan semblable à celui que le Conseil général de New York était chargé de réaliser ne pouvait donner aucun résultat sérieux ; et, en effet, qu’avons-nous vu ? les chefs sont là, il est vrai : l’état major s’est nommé lui-même au Congrès de la Haye ; mais son armée lui a fondu dans la main, et l’Internationale tout entière, dans tout ce qu’elle a de vivant et d’organisé, s’est rangée sous la bannière de l’autonomie et de la libre fédération, qui est la nôtre.

Pendant que les autoritaires essayaient vainement de constituer l’unité dans l’Internationale par l’action d’un pouvoir central et en éliminant tout ce qui refuserait de se courber sous la dictature, nous sommes arrivés, nous, à ce résultat, en acceptant comme légitimes toutes les tendances diverses, à la condition qu’elles ne fussent pas contraires au principe même de notre Association ; en nous abstenant scrupuleusement de faire violence aux particularités locales; en ne cherchant enfin l’unité que sur ce terrain où aujourd’hui elle peut seule exister : celui de la solidarité économique.

Et voilà comment on pourra voir, au Congrès de Genève, Anglais et Italiens, Américains et Belges, Espagnols et Jurassiens se tendre une main fraternelle. Tous sont d’accord sur le principe supérieur, qui est la définition même de l’Internationale : la fédération solidaire du travail. Ce principe accepté et pratiqué par tous, les Anglais et les Américains ne trouvent point mauvais que les Italiens et les Espagnols cherchent leur émancipation dans une révolution dont le programme est la destruction de tout gouvernement ; et ceux-ci, à leur tour, ne songent point à blâmer les Américains et les Anglais de suivre une voie différente, et de s’en tenir à la politique légale. Chaque peuple a son génie propre ; tous ne peuvent pas marcher dans le même chemin ; mais tous marchent au même but : l’affranchissement complet du travail et l’égalité de tous les êtres humains.

Voici, d’après les renseignements qui nous sont parvenus jusqu’à présent, quelle sera à peu près la composition du Congrès de Genève.