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cale, s’il suit, au contraire, la politique que nous avons nous-même recommandée, à la fin du Manifeste communiste, pour l’Allemagne d’alors, nous ne pouvons pas lui en savoir mauvais gré. » Becker, à son tour, écrivait de Genève (19 mai) : « Scheu et consorts ont certainement en eux quelque chose des idées de Bakounine (tragen sicher etwas von dem Zeug Bakunins in sich), et on doit veiller à ce que cela n’entraîne pas, là aussi, aux mêmes conséquences regrettables. Le Conseil général fera bien de se prononcer olficiellement pour le parti du « Volkswille », tout en agissant d’ailleurs, autant que possible, d’une façon conciliante. Quant à moi, c’est la tactique que je suis. »

On verra plus loin comment Becker et le Conseil général allaient tirer parti de leurs relations avec Uberwinder, devenu officiellement leur protégé, tandis que le Volksstaat, en Allemagne, se prononçait pour Scheu.

Quant à la situation des marxistes en Suisse, elle n’était pas brillante ; voici ce que Becker écrivait à Sorge (19 mai 1873) : « Pour notre Congrès, c’est incontestablement Genève le meilleur endroit ; c’est là que nous avons les sections les plus nombreuses, qui sont toutes décidément pour nous... Dans tous les autres endroits de la Suisse, nous n’avons pas encore un terrain assez solide, ce qui, il est vrai, n’aurait guère d’importance, si nous n’avions pas subi dans les dernières années des échecs sérieux par suite de la guerre, de la Commune, et de la bakouniniade (In jedem andern Orte der Schweiz haben wir vorläufig nicht festen Boden genug, was zwar nicht gar viel zu bedeuten hätte, wenn wir nicht in den letzten Jahren durch den Krieg, die Kommune und die Bakuniniade starke Erschütterungen erlitten hätten). »


Dans la colonie russe de Zürich, un nouvel incident se produisit en juillet et août 1873, qui amena la dissolution de la Section slave, et la rupture de Bakounine avec Holstein, OElsnitz et Ralli.

L’imprimerie du groupe des amis de Bakounine devait publier une série de livres de propagande, en russe, sous le titre de Éditions du parti socialiste révolutionnaire (Izdania sotsialno-revolioutsionnoï partii). Le premier fut demandé à Bakounine : ce devait être un exposé théorique du socialisme anarchiste. Pour le second, Ross s’adressa à moi, en me demandant d’écrire une histoire abrégée de l’Internationale. Je proposai le plan suivant : 1° un court résumé de l’histoire de l’Internationale en Suisse, emprunté au Mémoire de la Fédération jurassienne, et suivi de la reproduction de quelques articles de l’Égalité et du Progrès ; 2° un court résumé de l’histoire de l’Internationale en Belgique, suivi de la reproduction de quelques articles de la Liberté ; cela formerait un premier volume ; dans un volume ultérieur on parlerait des autres pays. Mon plan fut accepté, et je rédigeai les deux notices sur la Suisse et la Belgique ; elles furent traduites en russe par Zaytsef, je crois ; les articles de journaux furent choisis soit par Bakounine, soit par le groupe zuricois[1], et traduits, les uns par Zaytsef, les autres par des Russes de Zürich. Bakounine ajouta un chapitre très intéressant (chap. XXXI), écrit par lui, intitulé « l’Alliance internationale des révolutionnaires socialistes[2] », suivi de ses quatre discours au Congrès de Berne de 1868 et du rapport présenté au Congrès de Bâle sur l’héritage. Ce petit livre fut rapidement achevé, et, bien que formant le tome II des Izdania, ce fut lui qui parut le premier, à la fin d’août 1873, en un volume de 352 pages, sous ce titre : Développement historique de l’Internationale ; Première partie (Istoritcheskoé razvitié Internatsionala ; Tchast I.) Quant à l’ouvrage doctrinal de Bakounine, qui forme le tome Ier des Izdania, et qui devait se composer, lui aussi, de plusieurs parties, la première partie (la seule qui ait été écrite) parut à la fin de 1873, en un volume de 308 pages et 24 pages d’appendices, sous ce titre : Autoritarisme et Anarchie ; Première partie

  1. Pour ce choix, on ne me consulta pas ; il en résulta qu’on m’attribua par erreur la paternité de deux articles du Progrès, l’un du 4 septembre 1869 (sans titre, qui est de Joukovsky, l’autre du 12 mars 1870 (L’État), qui est de Schwitzguébel.
  2. Voir t. Ier, p. 76.