Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendre de grandes proportions dans notre pays. Bon nombre d’ouvriers sont d’accord avec nos principes, mais ils ne voient pas la nécessité d’une organisation internationale. »

La Section d’Utrecht, qui, sur la question des résolutions de la Haye, s’était d’abord séparée des autres Sections néerlandaises, s’était ravisée ; et elle prit part, avec les autres Sections, à un Congrès de la Fédération tenu à Amsterdam le 10 août 1873. Dans ce Congrès, la Fédération hollandaise décida de se faire représenter par un délégué à notre Congrès général à Genève ; elle donna à son délégué le mandat de se rendre ensuite au Congrès convoqué par le Conseil général de New York, pour lui demander de revenir à des idées plus conciliantes ; le délégué devait se retirer s’il ne réussissait pas dans cette démarche.


En Angleterre, la Fédération anglaise — celle qui s’était réunie en Congrès le 26 janvier — n’était point morte, comme l’avaient espéré ses adversaires[1], et elle allait donner une preuve de sa vitalité en envoyant deux délégués au Congrès général, en la personne de Hales et d’Eccarius. « Si l’on a pu constater quelque indifférence chez les internationalistes anglais, dit Hales dans le rapport qu’il présenta au Congrès, il faut en chercher la cause dans les intrigues et les calomnies de la coterie marxiste ; vingt et une sections cependant ont protesté contre les résolutions du Congrès de la Haye. »


Sur la situation en Allemagne, en Autriche, et dans la Suisse allemande, on peut s’en rapporter aux aveux contenus dans les lettres écrites par Engels et Becker à leur correspondant Sorge.

« Les Allemands, — écrit Engels (3 mai 1873), — qui chez eux se chamaillent avec les lassalliens, ont été très désappointés par le Congrès de la Haye (sind durch den Haager Kongress sehr enttäusch geworden), où ils s’attendaient à ne trouver, en opposition à leurs propres disputes, que fraternité et harmonie (wo sie im Gegensatz zu ihrem eigenen Gezänk lauter Brüderlichkeitund Harmonie erwarteten), et cela les a relâchés. En outre, les autorités du parti sont en ce moment composées de lassalliens invétérés (York et compagnie), qui voudraient rabaisser le parti et le journal du parti au niveau du lassalléanisme le plus plat. La lutte continue. Ces gens veulent profiter du moment où Liebknecht et Bebel sont en prison pour exécuter leur plan. Le petit Hepner fait une résistance énergique, mais il est tenu presque en dehors de la rédaction du Volksstaat, et il est d’ailleurs expulsé de Leipzig. Le triomphe de ces...[2] équivaudrait à la perte du parti pour nous, au moins pour l’instant. J’ai écrit à Liebknecht à ce sujet sur un ton très ferme (sehr determiniert), et j’attends sa réponse. »

En Autriche, il s’était formé, parmi les socialistes, deux fractions ennemies l’une de l’autre : l’une, qui s’appelait l’Association « Volkswille » (Volonté du Peuple), avait pour organe la Volkstimme, rédigée par Oberwinder, un meneur auquel Sorge lui-même reproche d’avoir été « trop disposé à se rapprocher des partis bourgeois » (p. 104 de son livre) ; l’autre se groupait autour du journal Gleichheit, rédigé par Andréas Scheu, qui défendait un socialisme plus radical. Engels écrivait à Sorge (3 mai) : « Scheu nous est suspect : 1° parce qu’il est en relations avec Vaillant ; 2° parce qu’il y a des indices que, comme son ami et prédécesseur Neumayer[3], il est en relations avec Bakounine... Quant à Oberwinder, étant donné qu’en Autriche le féodalisme n’est encore qu’en partie vaincu, que les masses y sont incroyablement bêtes, et que la situation y est encore à peu près celle de l’Allemagne avant 1848, s’il ne réclame pas du premier coup les choses les plus extrêmes, avec une phraséologie ultra-radi-

  1. Engels écrivait à Sorge (26 juillet 1873) : « Jung, Hales, Mottershead sont fichus (kaputt), ainsi que leur prétendue Internationale ».
  2. L’éditeur des lettres a remplacé ici par des points quelque gros mot qui lui aura paru dépasser les bornes de ce qui est toléré par l’usage allemand.
  3. Neumayer avait été délégué au Congrès de Bâle.