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le fait durer. L’élément nouveau et universel, l’élément jéhoviste, lui donne les deux idées avec lesquelles il va renouveler le monde. Ainsi se forme une religion, la plus étroite et la plus large de toutes, toute d’isolement par le culte, toute d’expansion par l’idée, et agissant d’autant plus puissamment par l’une qu’elle se maintient plus énergiquement par l’autre, condition excellente pour durer et pour agir, et convertir le monde à ses principes sans se laisser entamer par les concessions opportunistes de la propagande.

De ce jour, le peuple juif a, seul entre tous les peuples qui l’entourent, pour le guider dans le monde, une philosophie de l’histoire : il y a pour lui, dans le drame de l’univers, un plan rationnel, qui se développe suivant une loi et qui se dénouera pour le bien de tous. Ainsi, à travers les dominations successives de Babylone, de la Perse, de la Grèce, de l’Égypte, de Rome, dont le flot passe et se presse sur Israel sans l’engloutir, une nationalité religieuse se constitue, qui survivra à la résurrection éphémère de la nationalité politique sous les Maccabées. Or, en ce temps-là, le monde ancien, las de ses dieux usés et de ses systèmes impuissants, en quête d’une morale plus haute que ses prêtres ne peuvent lui donner, et d’espérances plus larges que ses philosophes n’osent lui offrir, est ouvert à la première parole, d’où qu’elle vienne, de foi et d’espérance, qui pourra remplir le vide douloureux de sa conscience. Les dernières convulsions de la Judée, en travail de son Messie et des temps prédits par les prophètes, vont donner au monde le branle qu’il attend. Parmi les Messies d’un jour, qui passent et disparaissent sans lendemain sur la scène prophétique, il s’en trouva un qui laissa une impression si profonde sur quelques uns des Juifs qui l’avaient connu de près, que ceux-là, au lieu de continuer à dire comme leurs frères : « Le Messie va venir », se prirent à dire : « Le Messie est venu », et quand il fut mort : « Le Messie est venu ; on l’a tué, il va revenir juger les morts et les vivants. » Cette croyance et cette attente eurent peu de prise sur la masse des Juifs, tout au rêve de la patrie terrestre, et qui savaient trop nettement ce qu’ils désiraient et ce qu’ils attendaient pour prendre ainsi le change de l’espérance : mais elles eurent une prise merveilleuse sur les masses étrangères, à qui elles apportaient une si bonne nouvelle, que le mal allait finir, qu’un