Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, non. L’hypocrisie a des bornes. Un hypocrite ne peut pas passer pour un homme réellement religieux. Dieu ne permettrait pas que les mauvais ressemblassent à ce point aux bons… D’ailleurs, croyez bien que je sais reconnaître la vraie piété de la fausse. Augulanty a encore communié dimanche passé ! Et vous admettez un pareil sacrilège ? Mais ce serait un démoniaque, un possédé !

— Monsieur le directeur, je ne fais que vous répéter ce que je sais.

— Mais comment le savez-vous ? s’écria tout à coup l’abbé, d’une voix bourrue.

— J’ai pris des renseignements, j’ai consulté des gens qui le connaissent, j’ai…, murmura Mathenot, passablement interloqué et qui ne pouvait dire qu’il était au courant de la vie de son collègue par les potins de M. Bermès et les ragots d’une épicière.

— C’est cela ! s’écria l’abbé Barbaroux, qui commençait à montrer une véritable colère, vous avez fait parler des gens, vous avez recueilli des cancans ! Des renseignements de concierge ! Et c’est là-dessus que vous vous basez pour accuser M. Augulanty ! Ah ! c’est indigne, cela, Mathenot, indigne ! Je n’aurais jamais cru cela de vous ! — Mais, enfin, continuait l’abbé, en marchant de long en large dans le salon, les mains enfoncées aux poches de sa soutane, quand on répète des accusations pareilles, on en porte la preuve, au moins… En avez-vous ?

— Mais, monsieur le directeur, murmura Mathenot, décontenancé, ce que je dis en est une…

— Ça, une preuve, allons donc ! J’appelle preuve un fait visible, tangible… un fait !

— En ce cas, monsieur le directeur, il est impossible de le prouver… J’ai cru utile de vous mettre en garde contre un menteur et… un fripon ! Vous n’y croyez pas ! Libre à vous. Vous voulez continuer à laisser comme professeur à nos enfants, dans une maison chrétienne, un libertin et un athée… Je ne vous en empêche pas… Dieu vous éclairera tôt ou tard ! Quant à moi, j’aurai fait mon devoir. On peut croire que j’agis par jalousie. Non, monsieur le directeur, croyez-le bien !… Mais c’est dans votre intérêt que je parle, ne le comprenez-vous pas ? s’écria-