— Bonne Mme Ropion ! se dit-il. Voilà une femme de confiance ! Ah ! que cette gueuse n’est-elle venue plus tôt ! Cette fois, l’abbé Théodore n’aurait plus eu de doutes. Pauvre abbé ! La seule femme capable de le sauver est venue trop tard… Ah ! toutes ces femelles l’ont tué ! Le jour où les Pioutte sont entrées dans cette maison, il soufflait un vent de catastrophe. La sainteté attire la foudre. Où la femme paraît, le démon trouve la porte ouverte.
Mais quoi, n’avait-il pas, lui aussi, sa part de responsabilité dans la ruine de l’abbé ? Il ne s’en doutait même pas. Aveugle, sourd et stupide, pour mieux sauver l’abbé Barbaroux, il avait contribué à le tuer. À qui s’efforce de vivre avec ses semblables, ne faudrait-il point apprendre combien est inutile et dangereuse la recherche de la vérité ? Au fond, Mathenot n’était qu’un ours campagnard, et à peine léché. Qu’attendre d’un tel ami ?
La dispute devint si tumultueuse que Mme Pioutte sortit de la cuisine. Émilie Sayaudet s’élança vers elle.
— Madame, lui cria-t-elle, vous êtes de la maison, il y a ici une Virginie Pioutte, je veux la voir, où est-elle ? Je veux lui dire quel saligaud c’est que son fiancé. D’abord elle n’a pas le droit de l’épouser. C’est mon amant, il m’a promis le mariage. Dites-lui que si elle se marie avec lui, j’irai à l’église, à la mairie, partout, que je dirai partout que je suis la maîtresse de M. Augulanty, oui, sa maîtresse, sa maîtresse…
Elle criait cela d’une voix de tête, aiguë et perçante. Mme Pioutte, rouge, scandalisée, indignée, cherchait une issue où fuir. Bermès fumait nonchalamment son cigare, les enfants se tordaient de rire. Quant à Augulanty, on aurait dit un noyé.
Il prit tout à coup Émilie par le bras et l’entraîna vers la rue.
— Tu me fais mal, dit-elle.
Il la bouscula avec une telle brutalité qu’en descendant les trois marches du perron elle aurait roulé sur le trottoir, s’il ne l’avait tenue si vigoureusement.
— Lâche-moi, dit-elle, en secouant son bras pour échapper à son étau.