pouvoir vous pardonner. Oui, je veux penser que vous devenez fou…
— Alors vous ne croyez pas tout ce que je vous ai dit ?
— Non, répondit énergiquement Barbaroux, et je vous défends de continuer !
Tous deux se turent. L’abbé Théodore, congestionné, encore tremblant de l’émotion qu’il venait d’avoir, tourmentait, d’une main fiévreuse, les franges du tapis qui couvrait la table. Mathenot, jauni et grimaçant, contemplait d’un œil atone et fixe un carreau blanc d’usure, dont le parquet était taché.
— Monsieur Mathenot, dit le directeur d’une voix nette, quoique radoucie, vous devez comprendre qu’après ce qui s’est passé entre nous vous ne pouvez plus faire partie de cette maison.
— Vous me renvoyez ! dit Mathenot, ahuri par le tour imprévu et brusque que prenaient les événements.
— Nous ne pouvons plus demeurer ensemble. M. Augulanty vous donnera aujourd’hui même ce que l’on vous doit. Et vous aurez l’obligeance de faire vos préparatifs pour partir ce soir même.
L’abbé Mathenot ne se serait jamais attendu à un pareil résultat. Il demeura foudroyé. Cette fois, c’était bien fini, il pouvait renoncer à son rêve, l’esprit démoniaque triomphait de l’abbé Barbaroux. Et, debout dans un rayon de soleil oblique, raidi par la contrainte de ne pas laisser échapper son ressentiment, il paraissait plus anguleux, plus rude et plus gauche encore que de coutume.
— Monsieur le directeur, dit-il enfin, sur un ton grave et douloureux, je quitte avec regret cette maison. J’avais appris à vous y aimer et à vous y estimer. Je ne reviendrai pas sur ce qui s’est passé. Mais je prie Dieu de vous épargner les catastrophes que je vois prêtes à tomber sur vous et de ne pas vous punir trop cruellement de votre incroyable confiance et de votre injuste entêtement.
Mais avant de se retirer, l’abbé Mathenot écrivit quelques mots sur un chiffon de papier qu’il tendit à son maître.
— Je vais habiter chez mon frère. Voici mon adresse,