marchand d’étoffes ou… que sais-je ? Ou bien, il pouvait mourir un autre élève !
— Oui, c’est une bénédiction du ciel ! répondit ironiquement Bermès. La Providence fait bien les choses. Elle s’y est mise un peu tard, mais c’est sûrement pour vous offrir une compensation. Envoyez donc votre poème aux jeux floraux. On lui donnera sûrement un prix. Vous allez être célèbre, mon cher Peloutier ! Dans un an, vous entrerez peut-être à l’Académie de Marseille.
— Vous croyez ? fit Peloutier, ivre d’orgueil et d’espérance.
— Si je le crois ? J’en suis sûr. Elle manque justement de poètes, elle en voudrait quelques-uns, me disait dernièrement un de ses membres, qui est aquarelliste.
Pendant que M. Peloutier déversait ainsi ses rêves d’avenir, l’abbé Barbaroux continuait sa lecture. Il abordait la classe d’humanités.
Et soudain, la porte s’ouvrit. M. Augulanty, qui le matin n’était pas venu, se précipita dans la salle. Il n’était plus funèbre, ni obséquieux, mais indigné, hirsute, forcené. Il se jeta au pupitre du directeur et parla bas en faisant de grands gestes violents. Aux premiers mots, l’abbé fut debout, haletant. On l’entendit s’exclamer :
— Comment ? Comment ? Mais c’est incroyable, c’est insensé.
Il courut derrière Augulanty qui l’entraînait avec lui. Ils se bousculèrent à la porte…
Les élèves, très intrigués, chuchotèrent. Des plaisanteries coururent. Il y eut des éclats de rire.
— Un peu de silence ! glapit Serpieri.
Les professeurs se regardaient avec inquiétude et s’interrogeaient tout bas. Nul ne savait rien.
Barbaroux reparut seul, vieilli, voûté. Sous ses sourcils hérissés, ses yeux, qui flamboyaient, jetaient des regards inquiets et furieux. Quelque chose de douloureux durcissait sa figure énergique, sa mâchoire forte et serrée, son grand nez maigre. Dans sa soutane usée et luisante, il parut plus faible, plus chancelant, plus fluet.
Il monta à son bureau, mais ne s’assit pas.
— Messieurs, dit-il, un fait inqualifiable vient de se