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Mme Pioutte poussa un léger soupir de soulagement. Virginie acceptait. De ce côté-là, du moins, Charles ne courrait plus aucun danger.


XXV

PRENEZ


Avril s’achevait. Le printemps organisait partout ses fêtes joyeuses. L’année faisait toilette. Le soir, dans les arbres des jardins, les ramages des oiseaux se prolongeaient, en trilles de cristal, sous les branches reverdies et lustrées. Les fleurs répandaient, aux éventaires des magasins, aux haleines des places, aux cages des enclos, leur âme légère, gracieuse et parfumée.

Mais à l’école Saint-Louis-de-Gonzague, rien ne faisait sentir ce doux renouveau, rien ne rajeunissait la vieille maison, noire de tout l’ennui dont y avaient souffert tant d’enfants enfermés, ni la rue, qui dégringolait entre ses trottoirs raides et ses hautes façades austères et solennelles. Il n’y avait pas dans la cour un seul arbre qui pût fleurir, et pour y voir des bourgeons et des feuilles, il aurait fallu que le bois des volets ou de la barrière, contre laquelle s’était tué Combette, se fût décidé à en porter. Et au lieu des chants de rossignols, on entendait les clameurs discordantes des jeux, deux fois par jour, ou un ânonnement pénible de leçons mal sues, dont le bourdonnement de ruche paresseuse s’évadait à travers les croisées ouvertes, par où les airs tièdes et gais, qui se roulaient sous le ciel, ne voulaient pas entrer, par peur de ces grands caveaux misérables et des captifs qu’ils contenaient.

Les soucis de l’abbé Barbaroux devenaient plus lancinants. Ses dernières provisions ayant disparu dans le naufrage des Caillandre, il ne lui restait pas un sou de capital. Sa maison hypothéquée ne possédait plus grande