Il marchait toujours dans la salle, avec quelque chose de harassé et de têtu, comme une bête en cage.
— Êtes-vous toujours prête à me suivre ?
— Plus que jamais, dit-elle.
Il eut un rire de satisfaction, très doux, et qui découvrit ses dents sous les longues moustaches souples.
— Un jour, annonça-t-il, je viendrai ici porter à notre chère Andréa un petit bout de billet qu’elle aura l’obligeance d’aller vous remettre. Vous saurez ainsi la nuit et l’heure du départ, vous serez prête… Mon fidèle auto sera devant votre porte, vous y monterez et nous partirons… Nous ferons du soixante à l’heure ! Et quelque jour, on fera, avec notre aventure, une belle légende que l’on mettra en musique pour en divertir les enfants. Comment Sylvestre Legoff, alchimiste et gardien de trésors, enleva la belle Virginie, sur un char de feu, enlevé par des licornes invisibles…
Les étincelles de la vie montèrent aux yeux de la jeune fille ; la grande route l’appelait ; elle entendait les voix tumultueuses, vives, pressées de tout ce qui passe, de tout ce qui court, de tout ce qui vole ; elle obéissait à la nostalgie du lointain, comme l’enfant qui rêve, sur les quais d’un port, à devenir matelot, comme la jeune fille qui regarde, au seuil d’un village, s’en aller des comédiens errants.
— Oui, dit-elle, nous fuirons nos familles, notre esclavage, notre existence grise, morne, triste, pour connaître la vie pleine, puissante, chaude, la grande vie des espaces !
— Oh ! les fous ! ricana Mlle Ryès, les fous ! Et que deviendrez-vous, que ferez-vous ensuite ?
— Nous irons nous marier dans un pays où l’on puisse le faire sans l’autorisation des parents.
— Vous n’avez pas besoin d’aller si loin pour cela !
— Ici, comprenez bien, nous serions en butte aux tracasseries, aux humiliations, aux reproches, aux scènes, à ces droits insensés qu’ont inventés les hommes de s’espionner et de se contrarier mutuellement, sans cesse. C’est cette prison dont nous forçons les portes. Nous voulons avoir notre vie, notre belle vie indépendante, personnelle, suivre notre destin, réaliser notre part de joie