sens à faire ce que je n’aurais jamais fait pour moi : la démarche la plus humiliante de toute ma vie… Vous aurez vos douze mille francs, je vous donnerai tout ce qui reste de mon capital et j’emprunterai ce qui manquera… Seulement, jure-moi de devenir raisonnable, d’aimer ton mari, de purifier par le repentir et le devoir l’affreux égarement de cette année… L’argent que je vais te remettre, je ne peux te le donner, il faudra que je restitue à mon ami ce que je vais lui emprunter. Vous me le devrez donc. Économisez, vendez vos bibelots, tes robes inutiles, et mets-toi toi-même au travail pour racheter ton œuvre infâme et rendre cet argent qui vous évite le déshonneur, la misère, peut-être la prison… Si je te vois accepter courageusement la vie que tu dois avoir à présent, peut-être te rendrai-je mon estime et te pardonnerai-je, mais n’oublie pas que tu es une coupable, que tu as gravement offensé Dieu et que toute une vie humble et laborieuse peut seule effacer les péchés causés par ta folie.
Cécile n’écoutait guère les discours du prêtre. Elle se réjouissait de voir la conversation prendre meilleure tournure, elle avait craint un moment de ne rien avoir. Puis elle admira sincèrement l’abbé Barbaroux, et elle envia cette sérénité dans la foi et cette croyance absolue au Bien :
— Ah ! mon oncle, fit-elle doucement, mon cher oncle, il n’y a que vous qui soyez un brave homme et qui ayez du cœur ! Il suffit à l’humanité que vous en fassiez partie pour excuser Dieu de l’avoir créée.
Mais l’abbé Barbaroux ne badinait pas sur les choses sacrées ; il prit très mal cette plaisanterie.
— Tu blasphèmes, Cécile, dit-il rudement, songe que tu es une coupable ! D’ailleurs, les desseins de Dieu sont insondables et…
Cécile jouait avec le gland de son ombrelle.
— Quand te faut-il cet argent ?
— Ce soir.
— Eh bien, viens le chercher à sept heures. Mais ensuite, mets-toi au travail et évite de me faire des visites trop fréquentes. Ta vue me sera toujours pénible, tant que tu n’auras pas expié.