répondit posément Cécile, que si nous n’avons pas trouvé douze mille francs d’ici à demain, nous sommes perdus…
La Jeanne d’Arc de la cheminée eût crié : « Vive la France ! » de son gosier de bronze, devant lui, que l’abbé Barbaroux n’eût pas été plus étonné. Il écarquilla sa bouche et ses yeux, comme s’il eût voulu ouvrir le plus d’orifices possible pour mieux faire entrer les paroles de sa nièce et mieux les comprendre.
Il posa ses mains osseuses, à plat, sur ses genoux écartés et répéta :
— Douze mille francs. Mais… Mais comment ? Pourquoi vous les faut-il ? C’est insensé. Je n’y comprends rien. Il vous les faut demain ?
— Oui, mon oncle.
— Sinon vous allez être saisis ! s’écria Barbaroux, qui sentait son intelligence renaître, peu à peu. Vous avez des dettes ?
— Si ce n’était que cela ! s’écria Cécile.
La figure du prêtre se renfrogna, ses sourcils broussailleux se hérissèrent. Il jeta sur sa nièce un regard inquiet, soupçonneux et désespéré.
— C’est pire que cela ? hasarda-t-il, d’une voix dont il s’efforçait de déguiser le tremblement.
Il sentait un abîme ouvert sous ses pieds, il n’osait y jeter les yeux, et il se cramponnait aux bras de son fauteuil comme s’il avait peur de tomber. Son cœur battait à se rompre, et un brouillard flottait devant lui.
— C’est pire, affirma doucement Cécile.
— Mais quoi donc ? parle vite, dit l’abbé, qui commençait à s’impatienter.
— Vous savez, expliqua Cécile, avec un mélange pénible d’hésitation et de souffrance, que nous avons eu le tort… d’adopter un genre d’existence… de faire des dépenses au-dessus de nos moyens… Nous nous sommes endettés… Bref, mon mari… croyant pouvoir nous dégager… a fait quelques petits emprunts à la caisse du Comptoir, et…
L’abbé poussa une sorte de cri rauque, atroce et sauvage.
— Ton mari a volé !