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Ces chiffres éblouissaient un peu l’abbé Barbaroux, acculé, comme il l’était, dans une impasse d’où il ne savait comment sortir. Il objecta toutefois que sa sœur ne pourrait pas se faire maîtresse d’hôtel.

— Pourquoi pas ? Dans la situation où nous sommes actuellement, Théodore, il faut que chacun se dévoue. Je ne veux pas supporter d’être plus longtemps à ta charge. Il faut que je me débrouille pour faire quelque chose…

L’abbé, très agité, et ne sachant nullement où sa sœur voulait l’amener, déclara qu’il ne pouvait pas prendre un restaurant sous son nom.

— Mais justement, fit Mme Pioutte, d’un ton doucereux, ce sera sous le mien. Et si tu ne veux pas que le tien paraisse dans ces affaires d’argent, ajouta-t-elle, avec un rire innocent, tu mettras l’acquisition sous mon nom. Tu n’as pas peur que je te la revende ?

L’abbé se mit à rire aussi, tant lui paraissait drôle l’idée de se méfier de sa sœur.

— Moi, conclut Gaudentie, je suis ruinée. Tout le monde le sait. Il n’y a rien d’étonnant à ce que je travaille à gagner quelque argent…

— Je te demande à réfléchir, fit l’abbé.

— Oh !… réfléchis, réfléchis… Rien ne presse. Prends ton temps…

Mais elle harcela et tourmenta tant Théodore, les jours suivants, qu’il commença à envisager l’affaire sous un jour très favorable. Elle l’envoya alors chez Me Lacreu.

— Cette affaire-là, dit le notaire, c’est de l’or en barres ! Imaginez-vous que vous prenez soixante mille francs, là, sur cette table, et que vous les mettez dans la poche de votre soutane, c’est cela même… Cette maison vaudra le double dans cinq ans…

Et à la suite de ces paroles, Me Lacreu donna sur cette affaire des détails si précis et si éloquents qu’ils convainquirent l’abbé Barbaroux.

Un dimanche, Mme Pioutte entraîna son frère à Sanary. On vit la maison, une habitation blanche, dans un grand jardin, assez près de la mer. Il y avait bien les trois étages promis, mais chaque étage contenait quatre