ferai une rente à l’abbé. Pour vous, nous vous garderons chez nous. Mais je dois vous avouer — d’ailleurs, vous le savez vous-même, — que M. l’abbé est obstiné, qu’il veut mourir sur la brèche et que vous aurez besoin de toute votre influence, vous et Mlle Virginie, pour le décider à me laisser sa place et sa maison.
— Mais comment ferez-vous pour ressusciter l’école ?
Augulanty se laissa aller à développer son plan devant Mme Pioutte, le projet qu’il caressait d’unir l’éducation ecclésiastique à l’instruction universitaire et aux sports anglais.
La vieille dame reconnut beaucoup d’intelligence à M. Augulanty et songea que sa fille ne serait pas à plaindre.
Mais, dans tout cela, Charles était sacrifié !
Elle s’en alla confier sa déconvenue à Me Lacreu. C’était un petit homme gros, réjoui, bruyant, vif, à l’œil lourd sous des paupières grasses, et qui, tout en bavardant d’une manière fort décousue et en faisant des calembours, observait finement son interlocuteur. Il lui donna de très habiles conseils.
Le soir même, Mme Pioutte disait à Virginie :
— Quand ton oncle viendra, tu iras dans ta chambre. J’ai à lui causer.
Dès l’apparition de l’abbé Barbaroux, Virginie s’éclipsa et Mme Pioutte commença à parler en ces termes :
— Mon bon Théodore, tu es soucieux depuis quelque temps. Je te vois avec peine perdre ton entrain. Qu’as-tu ?
— J’ai des soucis, fit l’abbé, en baissant la tête.
— Ne me cache rien, Théodore ! Je suis au courant de tout. Je sais que nous te sommes à charge…
— Mais jamais de la vie ! cria le prêtre.
— Si. Je connais l’état de tes affaires et la situation de ton pensionnat. Triste époque où une œuvre si grande, si noble, si religieuse n’est pas mieux comprise ni plus secourue !
— Dieu aime à éprouver ses serviteurs, dit doucement Théodore. Que sa sainte volonté soit faite !
— Oui, répondit Mme Pioutte, mais il faut vivre ! Voilà pourquoi je me suis émue de ta situation. Nous te coûtons trop cher, cela ne peut pas durer plus longtemps.