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lanty le remplaça. La situation de l’abbé commençait à ne pas être brillante. Il dépensait beaucoup, son pensionnat baissait insensiblement, et il ne lui restait de tout son capital péniblement amassé qu’une quarantaine de mille francs sur lesquels il prélevait une somme à la fin de chaque période scolaire.

Pendant quelque temps, il tint bon. Mme Pioutte s’occupait du ménage, Charles étudiait la peinture à Paris, Cécile et Virginie, ne se contraignant de rien, vidaient la poche de l’abbé, pour subvenir à leurs frais de toilettes, de promenades en voiture, et de distractions. Mais les premiers symptômes de ruine dans la maison furent surtout visibles, le fameux jeudi où l’abbé Barbaroux pria ses collaborateurs de ne point passer à la caisse.



III

L’ENGRENAGE


Quatre jours après la réunion mensuelle des professeurs, Mme Gaudentie Pioutte avait avec Charles une discussion assez vive.

Elle venait d’apprendre, par une amie qui passait ses hivers à Paris et qu’elle chargeait de surveiller de loin son fils, que celui-ci y vivait avec une maîtresse que l’on disait même enceinte de ses œuvres. Une telle révélation bouleversa Mme Pioutte. Elle vit du premier coup le sinistre collage tant redouté de toutes les mères, la situation détruite, l’avenir perdu ; cette nouvelle fauchait impitoyablement ses rêves les plus chers ; il fallait renoncer au mariage riche et à la brillante position mondaine qu’elle ambitionnait pour le futur peintre. À cela, s’ajoutait la terreur que l’abbé Barbaroux apprît la conduite de son neveu ; elle connaissait Théodore, il ne l’excuserait jamais, et la généreuse protection qu’il accordait à Charles disparaîtrait avec sa confiance. Il était donc indispensable d’éviter au plus tôt ces funestes consé-