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— Oui, monsieur. Et j’espère que vous comprendrez mes motifs et que vous ne vous en formaliserez pas.

— Je vous avouerai que j’ai déjà traité cette question avec Mlle Virginie et qu’elle m’a fait la même réponse que vous…

— Vous voyez ? déclara Mme Pioutte, d’un ton triomphant. — Elle ajouta :

— Vous n’avez pas agi convenablement en parlant à ma fille, avant de me prévenir. Un homme bien élevé ne se conduit pas ainsi…

Augulanty entendit encore siffler à son oreille le mot méprisant : « Fils de coiffeur ! » Il répondit grossièrement :

— Tout cela, ce sont des niaiseries ! Il est certain qu’en principe on ne se conduit pas ainsi, mais comme personne ne s’en prive, je ne vois pas pourquoi je me serais gêné. D’ailleurs, ma conscience ne me reproche rien et cela me suffit… Mais vous ne connaissez pas encore tout à fait le but de ma visite. Ayant déjà été repoussé par votre fille, comme je viens de l’être par vous, j’avais formé le projet de vous mettre dans mon camp, j’espérais que vous vous feriez le défenseur de ma cause auprès de Mlle Virginie, que vous lui prouveriez que je suis un excellent parti pour elle, que vous la décideriez, en un mot, à revenir sur ses préventions injustes et que vous faciliteriez un mariage auquel je tiens absolument…

Mme Pioutte regardait Augulanty d’un air railleur :

— Ah ! vous attendiez cela de moi ? Eh bien, je vous assure que vous n’êtes pas grand clerc !

— Qui sait ? fit Augulanty.

— Oh ! c’est tout su.

— Peut-être m’accorderez-vous ce que je vous demande plutôt que vous ne le croyez.

— Jamais, monsieur.

— Jamais ? répéta Augulanty d’un air malicieux et moqueur.

— Jamais ! fit Mme Pioutte, indignée de tant d’obstination et d’impudence, et qui se leva pour indiquer que la séance n’avait que trop duré.

Mais Augulanty ne bougea pas. Il reprit son ton de voix humble et doux pour continuer :