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avant mon départ. Et puis, s’il faut tout dire, je redoutais de l’aborder, portant en mes mains innocentes cette grenade, cette bombe explosive.


Je me retrouvai à Paris comme un étranger. Il fallait que j’eusse bien vieilli en deux jours pour m’y sentir si différent. Je remontai à pied le long du quai d’Orsay, enviant la Seine aux écailles grises d’avoir un cours à ce point régulier et d’être aussi sûre de sa route. Le soleil, taquin, brouillait les lignes de la ville et gaspillait ses flèches comme un enrichi de la veille. Paris étant à peu près vide, personne ne s’apercevait de cette orgie.

Au coin d’une rue, je m’effaçai pour ne pas être bousculé ; deux gaillards, en manches de chemise, poussaient une charrette à bras, qui contenait, plus grand que nature, un buste en marbre de Racine. Et, malgré moi,