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LES BARRICADES

ver si réservée, si peu satisfaite. Ce ne fut que beaucoup plus tard que je commençai d’entrevoir la vérité.

Wanda m’entraîna au salon. Elle s’assit au piano, jeta quelques accords au hasard, puis j’entendis les harmonies d’une de mes pièces favorites : Les Barricades mystérieuses. Jamais l’étrange musique de Couperin ne m’avait serré le cœur à ce point. Ces phrases perfides et mélancoliques, qui reviennent sans cesse sur elles-mêmes, ces appogiatures, qui vous donnent un tel sentiment d’irréalisé, ces résolutions capricieuses, qui ne résolvent rien et qui, de leur nœud gracile, laissent aussitôt se dérouler de nouvelles guirlandes de sons cristallins, cette mollesse et ces désirs presque galants et presque funèbres, tout cela m’enveloppait et m’engourdissait. Je ne sais quoi m’isolait et me séparait du monde. Une sorte de rêverie me pénétrait, si lourde,