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LES BARRICADES

à faire de ma vie. J’essayai d’abord de me trouver des occupations machinales, de ranger une armoire, d’établir un fichier pour mes cauchemars. Mais ma peine fut la plus forte. Brusquement, tous les câbles qui me retenaient à quelque chose venaient de se rompre à la fois. J’allai à la dérive comme un bateau perdu. Je n’attendais rien, je ne regrettais rien, je n’aimais rien. J’étais comme enivré d’indifférence. La souffrance me paralysait, m’anesthésiait : je souffrais très peu, mais je ne vivais presque pas. J’étais aussi diminué que le boa qui digère un lapin, que le jongleur qui a raté un tour. Cette torpeur dura presque une semaine. Puis vinrent les jours de colère, les jours de désespoir, les jours de pitié. Je me comparais à Martial Herpin, — quel outrage ! — ou j’arrêtais les circonstances de ma propre mort, ou je débordais de miséricorde universelle.