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— Vous êtes au courant, n’est-ce pas, de la brillante carrière qu’a parcourue Madame de Pascalise. Elle a pris son premier amant trois mois après son mariage, le second n’a pas tardé à suivre, et maintenant elle en est aux maisons de passe. Or, il se trouve que, jeudi dernier, en pénétrant dans la chambre désignée, elle s’y cogne contre son père, qui attendait impatiemment la belle fille qu’on lui avait recommandée et qu’il ne soupçonnait point être la sienne. M. Payrières est un vieux marcheur, c’est entendu, mais il estime qu’on doit avoir des mœurs dans sa famille. Je laisse à penser la mine que firent les deux héros ! Ce fut une scène burlesque. « Malheureuse, cria M. Payrières, en levant les bras au ciel, et ton mari ? » Madame de Pascalise n’a point perdu la tête : « Ma foi, a-t-elle répondu, vous comprenez bien, mon père, que je ne pouvais pas le mener avec moi ! »

Nous rîmes de l’anecdote, et madame de Pleurre la première, jusqu’à ce qu’un accès de toux interrompît sa gaieté.

— Y a-t-il longtemps que cette jeune dame est mariée ? demanda M. du Pontaut-Chaley.

— Quatre ans.

— Allons, conclut philosophiquement Myomandre, elle n’a pas perdu son temps.

On apporta le thé et un plateau garni de bouteilles de toutes formes, de gobelets d’où jaillissaient des pailles et de seaux à glace. Roger de Cabre s’assit devant une table et prépara des cock-tails, art auquel il excellait. Madame de Pleurre en réclama un, malgré nos protestations. On lui