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LE RESTE EST SILENCE…

repas ; c’est le moment où, en nous groupant, nous réunissons tout ce que nous avons entassé de rancunes et de griefs les uns contre les autres, pendant les précédentes périodes de vie commune. Combien de déjeuners et de dîners tranquilles prend-on, tous les jours, dans le vaste monde ?

Ce fut, bien entendu, papa qui commença la bataille, en plongeant son couteau dans une croûte bien dorée de vol-au-vent d’où s’échappait une odeur succulente :

— J’espère, Jeanne, que tu mettras ta robe neuve, cet après-midi, pour venir te promener avec moi !

Maman commença à enrouler autour de son index une des légères bouclettes de sa chevelure, ce qui indiquait toujours qu’elle était indécise ou mécontente, et que quelque chose n’allait pas.

— N… Non, répondit-elle. Je ne compte pas la mettre, justement.

Je crois que ce fut le justement qui mit le feu aux poudres. Papa se fâcha :

— C’est toujours la même chose… Tu