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LE RESTE EST SILENCE…

non plus ! Personne ne m’aime… Tous les hommes sont égoïstes, lâches, menteurs, méchants ; toi aussi, tu n’aimeras personne, tu mentiras, tu seras égoïste, lâche, fourbe, cruel, tu diras des choses que tu ne penseras pas… Ah ! si j’avais une fille ! Elle me donnerait un peu de consolation, elle… À quoi bon avoir une fille ? Pour qu’elle souffre, qu’elle soit bernée, méprisée, elle aussi, que personne ne l’aime…

Devant d’aussi noirs tableaux, je ne pus contraindre ma douleur, et je me mis tout bonnement à sangloter. En voyant ma désolation, maman parut se rendre compte de la démence de sa conduite. Elle changea soudain de physionomie, elle me regarda avec tristesse, puis, d’un mouvement furieux, me serrant contre elle, contre son pauvre cœur qui battait :

— Mon pauvre Léon, qu’est-ce que je vais te raconter là ? Où ai-je la tête, grand Dieu ? Est-ce ta faute si tu es un homme, si tu dois faire, un jour, tant souffrir de gens ?… Embrasse-moi, Léon ! Je t’aime bien. Aime-moi bien aussi, ne me fais jamais de peine.