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LE RESTE EST SILENCE…

heur. On parlait de lui à mots couverts ; il avait eu des ennuis de ménage, il vivait seul. Il était tristement laid, timide, gauche, maladroit, et nul n’eût pu deviner son âge. Le troisième employé avait l’air d’un bon mouton à barbe ronde ; tout, chez lui, suivait la même courbe douce et timide, son nez, son menton, son dos. Quand il riait, tous les plis de sa figure lui remontaient vers le front, il riait de partout, de la bouche, des narines, des rides, des paupières, des sourcils. Au demeurant, un excellent garçon, simple, dévoué et candide. Célestin avait une mine sournoise et vicieuse de précoce fripouille.

— Je vous présente mes hommages, madame, disait le vieux d’une voix hardie. Ah ! vous avez là une dame, monsieur Meissirel, qui vous fait honneur et dont je vous fais mon compliment.

Mon père riait. Ma mère faisait la moue.

L’homme malheureux bredouillait ; le mouton hochait longuement le chef, comme ces poupées chinoises à tête basculante qui vous approuvent un quart d’heure sans