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portaient six chantres, qui tenaient des cierges et psalmodiaient. J’ai répandu un froid terrible sur tout le bal, j’ai tué le plaisir et la gaieté, avec une amère satisfaction. Sous mon déguisement macabre et bas, je donnais à ces viveurs une hautaine et redoutable leçon. Plus tard, j’ai gardé dans mon appartement de Londres une panthère, qui n’était qu’à demi-apprivoisée. Je vivais, le pistolet au poing, toujours prêt à tirer, et personne n’osait plus me venir voir. Cependant ma maîtresse, qui se nommait Georgiana et qui était une des grandes dames de la cour, n’interrompait pas, à cause d’elle, ses fréquentes visites, parce que je le désirais ainsi. Nous nous aimions avec épouvante, sous les yeux sournois de cette bête, toujours près de se jeter sur nous. Ma maîtresse tremblait. Un jour qu’elle se déshabillait, la panthère la renversa et lui déchira les reins d’un coup de griffe. Je la tuai d’une balle dans l’œil. Mais la blessure était affreuse, tout le monde connaissait ma passion pour ce fauve, et le mari de ma maîtresse, qui était jaloux, me soupçonnait.