Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
LE RESTE EST SILENCE…

— Tu ne manges pas, Jeanne ?

— J’ai trop sommeil !

Elle lutta un moment encore, puis enfin se laissa aller, et, s’abandonnant doucement, — ah ! plus doucement qu’un enfant ! — elle posa ses deux bras sur la table et son front sur ses bras.

— Laisse-la dormir, me dit mon père.

Nous finîmes de dîner sans bruit, avec des gestes délicats et muets comme en ont les chats, tant nous craignions de troubler le repos de celle qui dormait…

Et, après avoir plié sa serviette, mon père s’approcha de sa femme, la souleva, (je ne l’aurais jamais cru aussi robuste), et l’emporta dans sa chambre pour la coucher. Maman eut un petit mouvement comme pour se réveiller, puis, avec un geste inconscient et câlin, elle rejeta sa tête décoiffée et lourde contre l’épaule de son mari…