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LE RESTE EST SILENCE…

ancienne, nous donne un sentiment de mélancolie, même quand sa vue magnifique nous enchante. C’est que dans toute ma sensibilité enfantine, bouleversée et, pour ainsi dire, mise à nu par les récents événements, et plus affinée encore par l’angoisse, la fatigue physique et la première perception de malheurs trop lourds pour les faibles épaules humaines, j’avais entrevu cette chose effroyable qu’est l’isolement de chaque être et son caractère incommunicable. Mais je ne saisissais pas alors, comme je l’ai deviné depuis, que cette torture de la solitude morale où nous nous débattons à mort, je ne l’avais que parce que ma mère en avait souffert plus que moi et avait tout fait — hélas ! — pour échapper à son angoisse. Et j’avais la sensation douloureuse, humiliante, toute neuve, que je n’étais pas tout dans la vie de ma mère, qu’elle avait des préoccupations, des soucis et des actes qu’elle me cachait, et qui n’avaient pas ma personne pour unique objectif ; et depuis, toujours, dans toute affection, dans tout amour, j’ai retrouvé