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LE RESTE EST SILENCE…

je l’ai reconnu ? Tout le monde s’écarte sur son passage, et je vois tout à coup Élise qui sort de la foule et le montre du doigt en criant :

— C’est lui, je vous assure que c’est lui qui est cause de tout…

Alors la foule se fâche, houle, tempête, hue mon oncle affolé ; quelqu’un s’approche, à cheval sur une presse à copier : c’est M. Godfernaux.

— Vous allez me la rendre, s’écrie-t-il, ou vous aurez affaire à moi. Je suis un vieux guerrier. Où l’avez-vous cachée ? Répondez !

Mon pauvre oncle fait des gestes de dénégation, mais il a une tête d’aigle maintenant et se défend à coups de bec contre M. Godfernaux. Et, tout à coup, je me rends compte que c’est moi qui suis sur la presse à copier. Elle tourne en rond, c’est un chariot maintenant, et il file à toute vitesse dans notre salle à manger autour de la table, dont je reconnais bien le tapis vert à dessins noirs filigranés d’or. Le chariot va plus vite encore, sa vélocité est effrayante,