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LE RESTE EST SILENCE…

il y a tant de choses entre nous, qui nous séparent, tant de choses que nous ne nous dirons pas, tant de choses que nous ne saurons jamais !

… Maintenant ce passé renaît sous mes yeux, à mesure que j’écris. Bien des détails m’en reviennent. C’est comme un pastel très fin, qui s’animerait lentement et remuerait un peu. Une poussière irisée se soulève autour de moi. Comme cela est triste et charmant ! Les pires heures de ce temps lointain seraient exquises à revivre… Nous ignorions l’avenir et nous nous désolions. Mais l’air chaud et comme imbibé de fleurs de ce soir où maman était partie, — comme je le respirerais volontiers encore ! Oui… Et j’ouvre ma fenêtre pour chercher dans l’atmosphère de la nuit ce quelque chose de spécial que j’aspirais, ce jour-là…

Dehors, c’est l’ombre de l’automne qui pèse. Je la sens lourde et pénétrante, elle sent la boue, la pluie, la fumée d’usine, le charbon, elle entre comme une haleine fétide, comme une odeur de cimetière. Elle est serrée à la manière d’un crêpe, silen-