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LE RESTE EST SILENCE…

poing fermé ; les assiettes et les verres tintèrent.

— Je te croyais une honnête femme, Jeanne… Sais-tu ce que tu es ?… Tu…

— Oh ! tais-toi, s’écria mère, avec un geste suppliant qui me désignait, pas devant lui !

Il y eut un nouveau silence. Élise portait le dessert. Ma mère se leva, ramassa sa lettre et, sans un mot, gagna sa chambre. Mon père l’y suivit. J’entendis le bruit de la clef tournant dans la serrure. Et alors des cris éclatèrent. Je sautai de ma chaise et courus à cette porte derrière laquelle quelque chose d’affreux, sans doute, se passait. Le fracas de la dispute remplissait la pièce, coupé de chocs de meubles, de pas précipités heurtant le sol. La voix de mon père, je la distinguais nettement dans ce tumulte, âpre, sèche, mordante, grondante de fureur ; celle de ma mère s’élevait par saccades, tantôt rauque, plaintive, ou s’échappant en cris de fureur, en râles étouffés, en mots hachés et sombrés dans des larmes. Les deux voix, fréquemment,