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LE RESTE EST SILENCE…

— Tu es malade ?

— Non.

Ces paroles tombaient lourdement comme un épervier dans l’eau. Cela aurait pu se prolonger longtemps. Maman se tut. Elle aussi n’avait plus faim. Elle sonna. Élise porta un plat d’asperges. Mon père les adorait, et leur saison allait finir. Quand ma mère se fut servie, elle lui passa le plat. Il le reposa sans rien prendre, au milieu de la table.

— Tu ne manges pas d’asperges ?

— Non.

Ma mère éclata :

— Ce n’est pas possible, de déjeuner dans ces conditions-là ! À la fin, m’expliqueras-tu quelle mouche t’a piqué ? C’est insupportable, d’avoir devant soi une pareille figure de carême ! Si tu as quelque chose, dis-le…

— Tu veux le savoir ? Soit ! Je ne voulais pas te le dire si vite, mais, puisque tu y tiens, voilà.

Il sortit une lettre de sa poche et la jeta devant maman. Elle était décachetée. Elle