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LE RESTE EST SILENCE…

vement de bec, houp ! ils pêchaient une croûte en train de nager.

Ils firent grand cas des morceaux que je leur jetai, bien que, pour me débarrasser plus vite de ma mission, je leur en offrisse qu’ils durent avoir grand peine à s’assimiler. J’eus quelques remords, les jours suivants, à penser que les cygnes de l’étang, après ma visite, étaient peut-être tous morts d’indigestion.

J’avais grande hâte d’avoir fini ; il me semblait que tout le monde fixait les yeux sur moi, que l’on me considérait avec stupeur, que chacun se demandait d’où venait ce malheureux enfant abandonné. Les petits garçons se penchaient vers les fillettes pour leur parler à voix basse, des institutrices riaient, et je ne doutais point que tout ce petit monde ne s’occupât de moi. Et j’étais plus rouge que jamais, et je n’osais pas m’en aller. De temps en temps, je tournais les yeux vers le chemin, mais ma mère ne revenait pas, et il m’était impossible de la voir ; un épais massif d’arbres me séparait d’elle. Et je jetais aux cygnes des bouchées