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––––Ange ! M’aimes-tu ?

(Il se frappe la tête, un nuage de poussière sort de sa perruque.)

GENEVIÈVE.
––––Ange ! M’aimes-tu ? Oui !

(Elle éternue.)

––––Ange ! M’aimes-tu ? Oui ! Je t’aime !
––––––Tiens, je m’enrhume à mon tour,

(Ils éternuent ensemble.)

SIFROID.
––––––Sapristi !… mais ça continue ;
––––Je n’aime pas qu’une femme éternue
–––––––Quand on lui parle d’amour.
GENEVIÈVE.
––Vous êtes un Sau… un sau… un sauvage.

(Elle éternue.)

SIFROID.
––Vous êtes un Sau… un sau… un sauvage. Encore !
GENEVIÈVE.
––Vous êtes un Sau… un sau… un sauvage. Encore ! Comme vous.
SIFROID.
––––––C’en est trop. Holà ! venez tous !
ENSEMBLE.
SIFROID.
–––––––––J’étouffe, je bous,
–––––––––Craignez mon courroux !
–––––––––Malheur à qui m’a
–––––––––Enrhumé comme ça !
GENEVIÈVE.
–––––––––Seigneur, calmez-vous !
–––––––––Faut-il, cher époux !
–––––––––Crier comme ça
–––––––––Pour un coryza ?

(Entre toute la cour.)


Scène XIV.

Les Mêmes, GOLO, NARCISSE.
SIFROID, montrant Geneviève à tout le monde.
––––––––Vous voyez cette femme !
–––––––––Sachez que madame
––––Manque de respect à son souverain !
––––––––Aussi… je… je… je… hein !…
––––––––Il faut que ça finisse.

(Il éternue, et, de colère, donne un coup de poing sur sa perruque. Le nuage de poudre qui en sort fait éternuer tout le monde.)

TOUS.
–––––––Monseigneur, Dieu vous bénisse !
SIFROID, furieux.
–––––––Je ne puis vous empêcher
–––––––De me manquer de la sorte ;
–––––––Eh bien !… je vais me coucher.
–––––––Que le diable vous emporte !…
TOUS.
––––––––Bonne nuit, au revoir !
–––––––Que le ciel vous soit propice.
––––––––Bonne nuit !… oui, bonsoir !
–––––––Dormez bien… Dieu vous bénisse !
–––––––––N’ayez pas, ce soir,
–––––––––Seigneur, la jaunisse
–––––––––D’entendre et de voir
–––––––––Nos nez au supplice.
––––––––Bonne nuit, etc.

(Sifroid sort en éternuant ; tous le suivent.- Sortie générale par la gauche.)




TROISIEME TABLEAU
La Chambre à coucher de Sifroid.

Au fond un lit. — Portes latérales. — À côté du lit, une fenêtre.



Scène PREMIÈRE.

SIFROID, CHARLES MARTEL, dehors.

(Au lever du rideau, Sifroid est couché ; il a un bonnet de coton et dort profondément. Sur la table de nuit, une veilleuse. On frappe à la porte cochère du palais, Sifroid ne bouge pas ; on frappe plus fort, Sifroid ronfle ; on frappe à coups redoublés, Sifroid ouvre un œil.)

Qu’est-ce que fait donc la sentinelle ? je n’entends plus rien !… C’est quelqu’un qui se trompe, qui aura pris mon palais pour la boutique du boulanger à côté. Allons ! allons ! redormons. (On frappe sans discontinuer. Oh ! c’est trop fort. (Il saute en bas de son lit, il est en caleçon et passe un pet-en-l’air.) Oser me réveiller, moi, Sifroid ! Attends !… (Il prend son pot à l’eau, ouvre la fenêtre.) Je l’aperçois, v’lan !… (Il arrose le perturbateur.)

CHARLES MARTEL.

Sang et tonnerre ! Par tous les diables !

SIFROID.

Ne faites pas attention ! c’est de l’eau.

CHARLES MARTEL.

Mais ne sais-tu pas qui je suis ?

SIFROID.

Non, j’avoue franchement que je l’ignore ; je ne vous connais pas encore assez pour ça.

CHARLES MARTEL.

Eh bien ! qui que tu sois, tremble, et reconnais Charles Martel !

SIFROID.

Hein ? quoi ? monseigneur !

CHARLES MARTEL.

Ouvriras-tu, mille démons !

SIFROID.

Ah ! mon Dieu ! lui, le maître… et moi qui l’ai arrosé… eh bien, me voilà propre. (Il se pend aux sonnettes.) Holà ! mes gens ! mes valets ! mes hérauts d’armes ! Mais aussi est-ce qu’on arrive comme ça surprendre…

CHARLES MARTEL.

Ouvriras-tu ?