- M’aimes-tu ?
(Il se frappe la tête, un nuage de poussière sort de sa perruque.)
- Oui !
(Elle éternue.)
- Je t’aime !
- Tiens, je m’enrhume à mon tour,
(Ils éternuent ensemble.)
- Sapristi !… mais ça continue ;
- Je n’aime pas qu’une femme éternue
- Quand on lui parle d’amour.
- Vous êtes un Sau… un sau… un sauvage.
(Elle éternue.)
- Encore !
- Comme vous.
- C’en est trop. Holà ! venez tous !
- J’étouffe, je bous,
- Craignez mon courroux !
- Malheur à qui m’a
- Enrhumé comme ça !
- Seigneur, calmez-vous !
- Faut-il, cher époux !
- Crier comme ça
- Pour un coryza ?
(Entre toute la cour.)
Scène XIV.
- Vous voyez cette femme !
- Sachez que madame
- Manque de respect à son souverain !
- Aussi… je… je… je… hein !…
- Il faut que ça finisse.
(Il éternue, et, de colère, donne un coup de poing sur sa perruque. Le nuage de poudre qui en sort fait éternuer tout le monde.)
- Monseigneur, Dieu vous bénisse !
- Je ne puis vous empêcher
- De me manquer de la sorte ;
- Eh bien !… je vais me coucher.
- Que le diable vous emporte !…
- Bonne nuit, au revoir !
- Que le ciel vous soit propice.
- Bonne nuit !… oui, bonsoir !
- Dormez bien… Dieu vous bénisse !
- N’ayez pas, ce soir,
- Seigneur, la jaunisse
- D’entendre et de voir
- Nos nez au supplice.
- Bonne nuit, etc.
(Sifroid sort en éternuant ; tous le suivent.- Sortie générale par la gauche.)
Au fond un lit. — Portes latérales. — À côté du lit, une fenêtre.
Scène PREMIÈRE.
(Au lever du rideau, Sifroid est couché ; il a un bonnet de coton et dort profondément. Sur la table de nuit, une veilleuse. On frappe à la porte cochère du palais, Sifroid ne bouge pas ; on frappe plus fort, Sifroid ronfle ; on frappe à coups redoublés, Sifroid ouvre un œil.)
Qu’est-ce que fait donc la sentinelle ? je n’entends plus rien !… C’est quelqu’un qui se trompe, qui aura pris mon palais pour la boutique du boulanger à côté. Allons ! allons ! redormons. (On frappe sans discontinuer. Oh ! c’est trop fort. (Il saute en bas de son lit, il est en caleçon et passe un pet-en-l’air.) Oser me réveiller, moi, Sifroid ! Attends !… (Il prend son pot à l’eau, ouvre la fenêtre.) Je l’aperçois, v’lan !… (Il arrose le perturbateur.)
Sang et tonnerre ! Par tous les diables !
Ne faites pas attention ! c’est de l’eau.
Mais ne sais-tu pas qui je suis ?
Non, j’avoue franchement que je l’ignore ; je ne vous connais pas encore assez pour ça.
Eh bien ! qui que tu sois, tremble, et reconnais Charles Martel !
Hein ? quoi ? monseigneur !
Ouvriras-tu, mille démons !
Ah ! mon Dieu ! lui, le maître… et moi qui l’ai arrosé… eh bien, me voilà propre. (Il se pend aux sonnettes.) Holà ! mes gens ! mes valets ! mes hérauts d’armes ! Mais aussi est-ce qu’on arrive comme ça surprendre…
Ouvriras-tu ?